50 ans de "L’Archipel du Goulag" : une mémoire vivante des camps

Prisonniers du Goulag de Vorkuta (Vorkutlag) - l'un des principaux camps de travail soviétiques, Russie, République de Komi, 1945 ©Getty - Laski Diffusion
Prisonniers du Goulag de Vorkuta (Vorkutlag) - l'un des principaux camps de travail soviétiques, Russie, République de Komi, 1945 ©Getty - Laski Diffusion
Prisonniers du Goulag de Vorkuta (Vorkutlag) - l'un des principaux camps de travail soviétiques, Russie, République de Komi, 1945 ©Getty - Laski Diffusion
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Il y a un demi-siècle paraissait "L'Archipel du Goulag" d'Alexandre Soljenitsyne. Un livre-monde, une œuvre tout à la fois politique, historique, littéraire, philosophique, une flèche ayant transpercé le modèle soviétique et changé le monde, et dont les témoignages, les analyses demeurent vivants.

Avec
  • Georges Nivat Universitaire, historien des idées, slavisant. Professeur honoraire à l'université de Genève et traducteur d’Alexandre Soljenitsyne.
  • Luba Jurgenson Professeur de littérature russe à la Sorbonne, écrivaine et traductrice
  • Eric Necker Commissaire général de l'exposition "Soljenitsyne, un géant de la liberté" au Mémorial de la Vendée

Le goulag est le fruit d'une révolution ou plutôt d'une contre-révolution. Georges Nivat explique : "le socialisme sous la forme du bolchevisme, avec Lénine, avec Trotski, avec beaucoup d'autres, dont le certain Djougachvili, qui va s'appeler Staline, avait fait une révolution. Et cette révolution avait créé une sorte de contre-révolution qui était un système esclavagiste qui s'est appelé le goulag."

Le spécialiste du monde russe ajoute encore : "ce phénomène d'une révolution socialiste de libération de l'homme qui devient une sorte de système plus que de servage."

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Le goulag, un système décrié

La Russie a longtemps fonctionné sur la base du servage, jusqu'en 1861. Aussi, les dérives du goulag ont fait germer des questionnements. "L'esclavage et le camp de la mort posent un problème humain et philosophique. Comment se fait-il que la libération devienne l'asservissement ?", interroge Georges Nivat. Le camp socialiste s'est finalement divisé entre ceux qui approuvaient le goulag et ceux qui, au contraire, rejetaient ce système.

L'ouvrage Les aristocrates (1934) de Nikolaï Pogodine vantait les mérites du goulag. De nombreux intellectuels ont légitimé les camps de travail forcé que sont les goulags. C'est notamment le cas de Maxime Gorki, éminent écrivain russe dont le nom de plume est Alexis Pechkov.

Le profond malaise entourant le goulag se dissipe lorsque Alexandre Soljenitsyne qui était alors instituteur, envoie à la revue Novimir, son récit Une journée d'Ivan Denisovitch (1962). Le tabou est brisé et son livre à la structure simple et aéré fait grand bruit. Le goulag entre dans le débat public en URSS. Pourtant, Alexandre Soljenitsyne souhaite en raconter davantage. Il décide de compiler des décennies d'histoire du goulag et de ses survivants. Ce sont les prémisses de L'Archipel du Goulag, qui compte au total près de 1 800 pages.

Une description fidèle du goulag

Dans ses livres Une journée d'Ivan Denisovitch et L'Archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne s'est efforcé de maintenir son récit au plus près de la réalité. Les descriptions sont très détaillées, Georges Nivat affirme : "'Une journée d'Ivan Denissovitch', c'est le récit du quotidien, minute par minute, heure par heure, la vie de ce zek, de ce détenu du goulag."

Le spécialiste poursuit : "Le narrateur, dans 'L'Archipel du Goulag', est en conversation avec des milliers de personnes. Il s'adresse tout le temps à quelqu'un. Ça n'a absolument rien de monologique. Quand c'est monologique, c'est uniquement pour battre sa coupe, pour faire sa confession, pour dire : 'moi aussi, j'ai été planqué un certain temps.' Ce qui me frappe le plus, c'est l'extraordinaire polyphonie. Le coupable, le non-coupable, le bourreau, celui qui est interrogé, celui qui meurt, celui qui est enfermé à 250 dans un espace de 25 m²."

Une vie, une oeuvre
59 min

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