Quel héritage politique laisse Jacques Delors ?

Jacques Delors, l'architecte de l'Europe

"Sa vision de l'Europe était le résultat de beaucoup de réflexions, d'une jeunesse très marquée par la guerre, de son passé syndicaliste qui l'avait conduit à fréquenter beaucoup, beaucoup de ses collègues européens. Et donc il est arrivé en quelque sorte ministre en France avec l'Europe en tête. Il avait une vision de ce qu'il fallait pour l'unité des Européens, du sens historique de cette grande aventure, de ses difficultés, bien entendu. Je pense qu'il a été le plus grand président de la Commission" explique Pascal Lamy.

Jacques Delors racontait dans ses mémoires le long et parfois tortueux cheminement de la mise en place du commun marché puis de la monnaie unique. Il lui a fallu convaincre les États membres de l'importance et des prérogatives des institutions européennes. Pascal Lamy revient sur sa méthode : "c'était des idées, que des idées. Le panier d'idées n'était jamais assez plein avec lui. Il était ingénieur-pédagogue. Il avait compris, et notamment dans son expérience de ministre des Finances à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, l'extrême importance de la pédagogie quand il s'agit de faire des efforts, de mobiliser de l'énergie politique."

Une figure de la gauche française

Jacques Delors est une figure d'une frange du Parti Socialiste français : "Delors était un démocrate nordique. Autrement dit, sa conception de ce qu'est une société bonne et une économie qui fonctionne, était à 15 degrés de latitude nord au-dessus de la France, c'est-à-dire à Bruxelles. C'est avec les institutions européennes que le mélange d'économie de marché, de redistribution sociale, de solidarité régionale, que se trouve le parfait modèle social-démocrate avec des syndicats puissants. Ce modèle a pu trouver en quelque sorte une efflorescence qui n'était pas vraiment possible en France compte tenu des traditions de la gauche française qui, par rapport aux autres gauches européennes, a toujours été marquée par un surplomb d'extrêmes gauches qu'il avait du mal à comprendre." témoigne l'ancien directeur de l'OMC.