Boris Akounine, écrivain : "En Russie, l'État autoritaire devient totalitaire"

Boris Akounine ©Getty - Ulf ANDERSEN
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L'auteur à succès russe, actuellement en exil à Londres, a été déclaré "terroriste" par les autorités russes. Il raconte son engagement pour la paix en Ukraine et livre sa vision de l'histoire et de la littérature russes.

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  • Boris Akounine Écrivain russe

Émigré politique depuis 2014, l'écrivain russe dissident de Vladimir Poutine vient d'être inscrit au registre des personnes dites "terroristes et extrémistes" par Moscou. Extrêmement populaire, l'écrivain a vendu plus de trente millions de livres en Russie. Les éditions Zakharov, qui le distribuent, viennent d'être perquisitionnées et ses ouvrages invendus ont été saisis. C'est dans ce contexte de répressions croissantes du pouvoir russe vis-à-vis des écrivains et intellectuels, que le père des aventures d’Eraste Fandorine (publiées en France aux Presses de la Cité), a accepté de s'exprimer au micro de Quentin Lafay.

Le système poutinien, proche de devenir un État totalitaire

Selon Boris Akounine, le fait qu'on le considère aujourd'hui comme "terroriste", prouve que le marché du livre, dernier espace de liberté, est à présent sous le joug de Vladimir Poutine. Bien que populaires, ses pièces ont été retirées du répertoire de théâtre et, si elles sont encore jouées, la mention du nom de l'auteur n'apparait plus. "Les éditions restaient indépendantes, mais actuellement le système politique russe est arrivé à un tel stade qu'il ne permet aucune fronde. Nous sommes à l'approche des élections du président en Russie, donc il cherche à établir un contrôle de fer."

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Alors que la maison d'édition qui le publie, les éditions Zakharov, a été perquisitionnée et que ses livres ont été retirés de la vente, Boris Akounine décrit un véritable glissement totalitaire du régime russe. Opposant à Poutine, Boris Akounine s'engage contre le régime de Poutine (qu'il nomme la "Poutine Land"), notamment avec une levée de fonds caritative "Nastoïachtchaïa Rossia" ("La vraie Russie"), qu'il a cofondé avec d'autres personnalités russes de la culture en exil, destinée à aider les réfugiés ukrainiens.

"C'est très dur de voir que pour le monde entier la Russie est devenue la Russie de Poutine. Pour nous, la vraie Russie n'est pas celle de Poutine, mais de Pouchkine, voilà pourquoi nous disons non à la guerre. Mais notre organisme qui vient en aide aux réfugiés, ceux qui ont souffert de la guerre, est vu comme une organisation criminelle."

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Si Vladimir Poutine voit bien que l'aide internationale pour l'Ukraine commence à s'essouffler, sa guerre ne faiblit pas, ni à l'extérieur des frontières qu'il revendique, ni à l'intérieur, où la société russe est de plus en plus maîtrisée et les opposants emprisonnés. "Le système poutinien ne peut pas exister sans faire peur, et la peur ne peut être obtenue que par les arrestations. Actuellement, il y a plus de 1000 prisonniers politiques, un nombre qui va en augmentant. (...) C'est une grande épreuve d'être russe en ce moment, car nous subissons tous l'ombre de cette guerre criminelle."

Lui qui souhaitait écrire des polars et de la littérature consacrée au XIXᵉ siècle qu'il adore, le siècle de la Russie impériale, mais aussi des grands auteurs russes comme Tolstoï et Tchékhov, il s'est vu rattrapé par les événements internationaux.

"Lorsque je suis devenu écrivain, Soljenitsyne était une figure fatale. Je voulais écrire une littérature de distraction, distraire le public et moi-même, être un anti-Soljenitsyne. Voilà que 25 ans plus tard, je vois avec un grand chagrin et une grande horreur que l'époque de Soljenitsyne est de retour, et qu'il redevient actuel. La vie de Soljenitsyne a déteint sur moi-même, je commence à écrire des livres lourds."

Boris Akounine est le co-fondateur de " True Russia" avec le danseur Mikhaïl Barychnikov, installé à New York, et l’économiste Sergueï Gouriev, installé à Paris et professeur à Sciences Po Paris. L'objectif depuis la création : montrer au monde que la vraie Russie n'est pas la Russie de  Poutine.

- Traduction en simultanée effectuée par Yuri Souvoroff

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