Critique livres : Faut-il lire "Le Royaume enchanté", roman posthume de Russell Banks ?

Russell Banks ©Getty - Sophie Bassouls
Russell Banks ©Getty - Sophie Bassouls
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C'est la rentrée littéraire ! Que lire... ou pas ? Place au dernier roman de Russell Banks décédé en janvier 2023, et au 49ème roman du français Antoine Volodine.

Avec

Aujourd'hui, deux romans de deux grands écrivains :
Le royaume enchanté, dernier livre de Russell Banks paru avant son décès le 7 janvier 2023.
Et Vivre dans le feu de Antoine Volodine, qui continue de repousser les frontières de la littérature.

"Le Royaume enchanté" de Russell Banks

Un roman paru aux éditions Actes Sud dans une traduction de Pierre Furlan

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En 1971, Harley Mann, alors âgé de quatre-vingt-un ans, confie son histoire tragique à un magnétophone. Bande après bande, chapitre après chapitre, il revisite son adolescence et raconte l’installation de sa famille dans les marécages de Floride – à quelques encâblures de ce qui allait devenir Disney World – pour rejoindre une communauté de Shakers, pieuse et abstinente. La colonie rejette toutes les tentations extérieures et suit assidûment son credo : “Les mains au travail et le cœur à Dieu.”
Mais lorsque Harley tombe éperdument amoureux d’une jeune femme et entame avec elle une relation clandestine, sa loyauté envers les Shakers et leur vision conservatrice du monde s’effrite et finalement se brise.
Une éblouissante tapisserie, tissant les fils de l’amour et de la foi, de la mémoire et de l’imagination, sur ce que signifie regarder en arrière et accepter sa place dans l’histoire.

L'avis des critiques :

  • Élise Lépine a d’abord eu du mal à entrer dans ce livre : ”Son écriture est assez sèche et nous prend peu par la main" dit-elle, mais finalement, "c’est la force du récit qui nous embarque”. Elle se dit touchée par le portrait des Shakers traversés par des désirs et pas toujours fidèles à leurs convictions : “Russel Banks explore au coeur de l’humain une espèce de quête d’utopie, avec la nature éphémère du bien” dit-elle. En outre, elle a été émue par le fait que ces personnages voulant faire le bien ne soient pas “des mauvais bougres”, même si tout finit très mal pour eux. Finalement dit Élise Lépine, avec ce livre, Russell Banks conclut son oeuvre avec majesté.
  • Virginie Bloch-Lainé n’a pas été séduite par ce livre qui “piétine” dit-elle. Il livre selon elle un portrait caricatural, peu flatteur, d’une Amérique puritaine. Elle dit en outre ne pas y avoir retrouvé le dynamisme que l'on peut attendre des romanciers américains.

"Vivre dans le feu" d'Antoine Volodine

Un roman paru aux éditions du Seuil

Le brave soldat Sam ne dispose plus que de quelques fractions de secondes avant d’être enveloppé par les flammes d’une vague de napalm qui se précipite sur lui. C’est l’occasion de s’inventer en urgence une biographie et de se raconter des histoires. Il s’entoure alors de personnages féminins hauts en couleur : des grand-mères centenaires qui dirigent le clan, des cousines à la volupté épanouie, et surtout des tantes sorcières, jeunes femmes attirantes, sexuellement désinvoltes, qui tiennent à lui enseigner comment vivre dans le feu. Elles lui donnent des "leçons de feu" au cours desquelles il doit apprendre à rester indifférent au brasier qui va le transformer en torche, et aux bizarreries oniriques des derniers instants…
Il aimerait poursuivre à jamais une vie à l’air libre, être bandit, échapper à la garde nationale, multiplier chevauchées et aventures amoureuses. Mais l’idée des flammes est là. Et elle le rattrape. Cependant il ne manque pas de souvenirs imaginaires pour la repousser encore et encore.

L'avis des critiques :

  • Virginie Bloch-Lainé n’a pas été happée par ce livre constituant le 49ème ouvrage de l’édifice “post-exotique” que Antoine Volodine construit à partir de textes n'appartenant selon lui à aucun courant littéraire, mais tous inscrits dans une veine post-apocalyptique.
  • Élise Lépine voit le qualificatif de “post-exotique” comme une boutade d'Antoine Volodine, un auteur pratiquant beaucoup l'autodérision. Dans son oeuvre, Volodine souligne selon elle l'urgence d’écrire dans un monde “qui part à vau-l'eau quelle que soit l’époque”. À travers des livres décrivant des désastres, écrivant par ailleurs “merveilleusement bien”, Antoine Volodine amène une forme d'espoir et de consolation : “il nous donne quelque chose de précieux à chaque mot”.

Extraits sonores :

  • Lecture d'un extrait du roman Le Royaume enchanté de Russell Banks par Manon De La Selle
  • Lecture d'un extrait du roman Vivre dans le feu de Antoine Volodine par Anaïs Ysebaert

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