Le caddie et l’inflation

Des paroles sur l'inflation ©Getty - Oscar Wong
Des paroles sur l'inflation ©Getty - Oscar Wong
Des paroles sur l'inflation ©Getty - Oscar Wong
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À l’hypermarché d’Auxerre et au Biofrais d’Annecy, on examine ce que les acheteurs et acheteuses mettent dans leur caddie, et surtout ce qu’ils et elles ne mettent plus. Petits paniers et grandes angoisses : des paroles sur l’inflation. Par Pauline Maucort et Valérie Borst.

Ce sont des chiffres longtemps restés abstraits ou indolores pour la plupart des Français, et voilà qu’avec la crise post-Covid et la flambée des prix de l'énergie suivant la guerre en Ukraine, l'inflation a bondi, de 5,2 % en 2022 et de 4,9 % en 2023. Tout d’un coup, ça n’est plus du tout abstrait et ça fait mal. Des récits à la première personne pour s’en rendre compte.

Une inflation subie de plein fouet

Mère de six enfants, dont quatre sont encore à sa charge, Marie-Roche avoue avoir modifié ses habitudes de consommation. Elle témoigne : "La viande, c'est devenu très, très cher. Nous, on ne se permet pas de manger de la viande tous les jours."

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Marie-Roche a trouvé des subterfuges. Elle fait désormais ses courses à une période particulière, réputée moins onéreuse. La mère de famille dévoile : "Après les fêtes de fin d'année, souvent, vous avez les promotions sur la lessive, les produits d'entretien. J'ai fait les courses la semaine dernière, vu qu'il y avait pas mal de promos, donc j'ai saisi l'occasion pour faire le stock pour 3-4 mois." Elle ajoute, dépitée : "Là, je prends des pâtes. Voilà, c'est le plat qui est mangé plusieurs fois par semaine. C'est ce qui reste de moins cher, et encore. Avant, les pâtes étaient grave moins chères. Là, les coquillettes sont à 1,49 le kilo, alors qu'avant, c'était 89 centimes."

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Un sentiment d'injustice

Christiane, la fille de Marie-Roche se sent lésée : "ce qui me met en colère, je ne suis pas raciste, attention, mais moi, ce qui me met plus en colère, c'est que nous, on est des Français, on trime, on galère. Et quand on voit des étrangers, que ce soit des Arabes ou des Renois, qui, eux, ils ont tout, donc ils ont la CAF, la CMU gratuite, alors que nous, on paye une CMU à 100 %, parce que pour moi, toute seule, je paye 40 euros." La jeune femme regrette : "Nous, on fait tout pour notre pays. On trime, on fait tout. Et finalement, on n'a rien. On est en dessous d'eux." Elle précise encore : "Ils sont rentrés en France, ils ont eu la nationalité gratuite. C'est tout. Pour moi, un vrai français, c'est celui qui est né en France et qui fait tout pour son pays." Christiane adhère donc à l'idée de "Français de papier" véhiculée par le Rassemblement national.

Finalement, le déclassement social ressenti par Christiane justifie son choix de vote pour Marine Le Pen lors des précédentes élections présidentielles. Christiane se ravise tout de même un peu et déclare amère : "Dans tous les cas, que ce soit Marine ou pas, un autre, on est tous dans la même merde."

L'Esprit public
32 min
  • Reportage : Pauline Maucort et Valérie Borst
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Marie Roche, Christiane, Gilles, Léonie et Perrine.

Pour aller plus loin : 
Pour mieux comprendre l’inflation, vous pouvez lire la fiche de la Banque de France sur le sujet.
Les groupes du CAC 40 profitent de l’inflation pour augmenter leurs prix et leurs marges”, Mediapart, 15 août 2023

Musique de fin : Ashtray Wasp, Burial - Album : Knight of Cups (Original Motion Picture Soundtrack) (2016)

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