Les mots et leurs pannes : épisode • 1/6 du podcast Le langage, avec Laurent Cohen

Comment, à partir de lettres, le cerveau construit-il des mots puis des phrases ? ©Getty - Constantine Johnny
Comment, à partir de lettres, le cerveau construit-il des mots puis des phrases ? ©Getty - Constantine Johnny
Comment, à partir de lettres, le cerveau construit-il des mots puis des phrases ? ©Getty - Constantine Johnny
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Comment se construit le langage ? Sons, syntaxe, mots... le langage est une machinerie compliquée, une combinaison d’opérations nombreuses. Très souvent, pour votre cerveau, il s’agit de combiner des choses simples pour en fabriquer des plus compliquées.

À partir d’un nombre restreint de sons ou de lettres, nous pouvons créer une infinité de mots. Et à partir d’un nombre limité de mots, nous pouvons créer une infinité de phrases. Ces capacités traduisent le niveau de complexité dont peut faire preuve notre cerveau pour appréhender le langage, mais aussi le niveau de complexité intrinsèque à la manière dont le langage se construit. Fatalement, une machine compliquée n'est pas étrangère aux pannes. Et plus la machine est complexe, plus les pannes sont diverses.

À travers plusieurs expériences sonores,  Laurent Cohen, neurologue, chercheur à l’Institut du Cerveau à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, décortique la machinerie cérébrale de la lecture et du langage.

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58 min

Le cerveau agence et articule

Quand quelqu’un vous parle, vos oreilles transforment les sons en signaux électriques qui sont expédiés au cerveau. Le cerveau doit successivement identifier les sons : s’agit-il d’un B, d’un F, d’un A, d’un O… et ceci que vous écoutiez une voix d’homme ou de femme, rapide ou lente, avec un accent parisien, anglais ou marseillais. Votre cerveau doit reconnaître chacun des mots qui défilent, récupérer leur signification dans la mémoire, analyser la syntaxe, comprendre la signification du message.

Et quand c’est à vous de parler, tout ce système doit marcher dans l’autre sens : pour exprimer une idée, il faut choisir les bons mots, les agencer dans une phrase bien faite, déterminer l’intonation, programmer les sons, et finalement articuler ! Tout cela en continu et à vive allure, de l’ordre de 200 mots par minute en moyenne.

Les pannes du cerveau

Le langage repose sur de multiples régions du cerveau et depuis le 19e siècle, on a observé toutes sortes de pannes très variées que l’on appelle des aphasies. Certaines personnes, par exemple, ne parviennent pas à trouver le mot précis pour nommer quelqu’un ou quelque chose. Elles parlent de “trucs”, de “machins”, faisant des périphrases.

La cause habituelle de ce genre d’aphasie est une maladie dégénérative qui détruit très progressivement une partie du cerveau : la région des lobes temporaux, situés derrière les tempes. Cela ne veut pas dire que la signification des mots est stockée dans les lobes temporaux. En réalité, le sens des mots est dispersé dans l’ensemble du cerveau.

Chacun sait, par exemple, ce qu’est une brioche : vous en connaissez l’odeur, le goût, la consistance, l’aspect, peut-être la recette et bien sûr le nom, parlé ou écrit, de la brioche. Ces fragments de connaissance sont dispersés dans le cerveau : l’image de la brioche est dans la région du cerveau qui s’occupe de la vision, etc.

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Le lobe temporal relie entre eux tous ces fragments épars, un peu comme le tronc d’un arbre réunit les feuilles. Si le lobe temporal se détruit, la connaissance de ce qu’est une brioche, et la possibilité de comprendre ou de produire son nom, volent en éclats.

Pour autant, rassurez-vous, il est très banal d’avoir de temps en temps un mot sur le bout de la langue, cela ne veut pas dire que vous avez une maladie cérébrale. Ce type de situation a tendance à augmenter avec l’âge, surtout pour les noms propres.

Bibliographie :

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