PR4 : code de fichage racial ?

Gérald a révélé un système de fichage racial chez Adecco. ©Getty - Comstock Images
Gérald a révélé un système de fichage racial chez Adecco. ©Getty - Comstock Images
Gérald a révélé un système de fichage racial chez Adecco. ©Getty - Comstock Images
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Jeune stagiaire chargé du recrutement dans une agence Adecco au début des années 2000, Gérald découvre que le leader mondial de l’intérim pratique le fichage racial pour mieux répondre aux demandes discriminantes de ses clients. Le procès est en cours. Par Karine Le Loët.

En stage dans une agence Adecco à Paris, un des collègues de Gérald lui précise qu’il faut indiquer la mention « PR4 » sur les dossiers des intérimaires de couleur. Mal à l’aise, il « fait du PR4 » comme tout le monde : il a besoin de ce stage pour valider son année. Finalement, il décide de tout plaquer et dénonce la pratique.

Une classification dérangeante

En 2000, Gérald entre en stage à l’agence Adecco Montparnasse. Très rapidement, un de ses collègues lui précise qu’il faut indiquer la mention "PR4" sur les dossiers des intérimaires noirs. Mal à l’aise, il est contraint de "faire du PR4" comme tout le monde : il a besoin de ce stage pour valider son année.

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La classification "PR4" correspond aux personnes noires. Le "PR1" pour bonne présentation, le "PR2" pour présentation passable et le "PR3" pour les "personnes maghrébines ou floues". Cette classification correspondait à l'origine à des indications géographiques autour de Paris avant d'être reprise de manière discriminante par Adecco.

Gérald Roffa fait un parallèle avec une douloureuse période historique. Il affirme : "ça me renvoyait à des périodes de l'histoire un peu sombres, on va dire, où certaines personnes mettaient une étoile jaune sur les vêtements d'autres personnes. Alors, ce n'était pas la même chose, ce n'était pas une étoile jaune sur un vêtement, mais c'était un code PR4 sur un dossier, et les conséquences, n'étaient pas les mêmes, mais pour moi, d'un point de vue éthique, c'était à peu près la même chose. Je n'avais pas envie d'être celui qui met une étoile jaune sur quelqu'un d'autre, quoi. Je n'avais pas envie d'être celui qui met PR4 sur les dossiers."

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"Je ne veux pas tirer profit de cette situation"

Alors que son stage touche à sa fin, le poids de la culpabilité se fait ressentir plus franchement sur les épaules de Gérald. Il refusait catégoriquement la discrimination raciale à laquelle il a contribué contre son gré. "Je ne peux pas participer à ça. Voilà, je ne peux pas. Je me suis dit, je ne peux pas tirer profit de cette situation. Je ne veux pas me dire que j'ai fait quelque chose de pas bien et que j'y ai gagné quelque chose."

Mais avant le terme de son expérience, il décide de tout plaquer et dénonce la pratique.

Après 23 ans de procédure, le parquet a reconnu l’infraction et requis trois mois de prison avec sursis contre les deux responsables de l’époque et 50 000 euros d’amende pour Adecco.

Contactée, l’entreprise n’a pas souhaité s’exprimer avant la décision du tribunal le 13 mars prochain, mais a continué au cours du procès de nier le caractère racial du code PR4 qui désignait selon elle un “mix de l’expérience professionnelle et du savoir-être du candidat”.

  • Reportage : Karine Le Loët
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Gérald Roffat et à Samuel Thomas qui a mené le combat au sein de SOS Racisme puis avec la Maison des Potes à partir de 2008. Merci aussi à Assa, Anaïs, Ghislaine et les autres parties civiles avec lesquelles nous avons échangé.

Pour aller plus loin

" Fichage et discrimination chez Adecco : les directeurs plaident non coupable, une intérimaire en larmes", Le Parisien, 11 janv. 2024 
" Procès Adecco: de la prison avec sursis et des amendes requises contre la société d'intérim et deux de ses cadres", Outre-mer la 1ère, 12 janv. 2024
" Procès du groupe Adecco pour fichage racial : 50 000 euros d’amende et prison avec sursis requis", Mediapart, 13 janv. 2024
Extrait d'un reportage de l'époque " France3 : Discrimination raciste à Adecco et au Moulin Rouge"

Musique de fin : Mrs Sunshine, David Ratte

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