Ecole : peut-on réparer ce qui est cassé ?

La ministre de l'Education nationale, Amélie Oudea-Castera, à l'Assemblée nationale, le 16 janvier 2024 ©AFP - THOMAS SAMSON / AFP
La ministre de l'Education nationale, Amélie Oudea-Castera, à l'Assemblée nationale, le 16 janvier 2024 ©AFP - THOMAS SAMSON / AFP
La ministre de l'Education nationale, Amélie Oudea-Castera, à l'Assemblée nationale, le 16 janvier 2024 ©AFP - THOMAS SAMSON / AFP
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La grève à l'Education nationale révèle une crise profonde. Les propos et les choix de la nouvelle ministre, Amélie Oudéa-Castéra, l'ont accentuée.

"Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter"... C’était Gabriel Attal, mardi à l’Assemblée, à propos des jeunes délinquants. Mais l’école, l’école elle-même, qui va la réparer, la nettoyer, la respecter ?
Aujourd’hui, beaucoup d’enseignants seront en grève. Pour les salaires ? Sûrement, même s’ils ont été augmentés. Pour les conditions de travail ? Sans aucun doute. Mais un autre motif est criant : une cassure, une fêlure. Les professeurs se sentent déconsidérés. Ce sentiment, la nouvelle ministre, Amélie Oudéa-Castéra, l’a réveillé, ravivé, dès son arrivée, en critiquant l’école publique.

Aux enseignants, elle rappelle de mauvais souvenirs : en septembre 1997, les mots blessants du socialiste Claude Allègre, ce scientifique climato-sceptique devenu ministre de l’Education nationale. L’ami de Lionel Jospin promettait de "dégraisser le mammouth", et de débusquer les professeurs absents. Déjà ! Selon Claude Allègre, le taux d'absentéisme atteignait 12%. C’était faux. En réalité, plutôt 6%, dont deux tiers pour des congés maternité.

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Près de trente ans après, où en sommes-nous ? L’absentéisme est un énorme problème - toutes les familles le savent. Mais pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus assez d’enseignants, et plus assez de remplaçants. Les professeurs en sont-ils responsables ? Si l’école va mal, est-ce de leur faute ?

Un tourbillon de mesures

Depuis Claude Allègre, le discours a bien changé. Les enseignants étaient les coupables. Maintenant, ils doivent être les sauveurs de la République ! L’école, Emmanuel Macron a en fait son "domaine réservé". Gabriel Attal décrète qu'elle est "la mère des batailles" - il dit la même chose de l’agriculture.

Pour l’école, l’exécutif annonce des réformes... tout le temps ! Un tourbillon de mesures ; des nouveautés, sans arrêt : des cours de théâtre, plus d’instruction civique, du temps pour l’orientation, des cours d’empathie. Et puis bien sûr le "choc des savoirs" - le Premier ministre aime beaucoup le mot "choc". Au collège, dès la rentrée, il veut absolument des groupes de niveau.

Les enseignants n’ont qu’une question. Comment ? Comment faire ? Tout n’est pas une question de moyens, évidemment. L’école doit évoluer. Mais le bateau prend l’eau. Beaucoup de professeurs écopent, et on leur demande de ramer plus vite. Est-ce que l’Etat rame avec eux ?

Des choix politiques

L’école est-elle vraiment une priorité ? Oublions les discours. Regardons les choix politiques. L’été dernier, Gabriel Attal devient ministre de l’Education nationale. Il s’engage. Il ouvre des chantiers. Il parle d’avenir - un bon démarrage. Et au bout de cinq mois, il s’en va ! Il n’a même pas fini l’année scolaire. Pour le remplacer, Emmanuel Macron choisit Amélie Oudéa-Castéra, une ministre déjà chargée des Jeux Olympiques et paralympiques. Un détail… C’est ça, une priorité ?

Vous connaissez la suite. La ministre empêtrée dans ses explications. Elle clame son amour de l’école publique, sa passion pour l’égalité des chances. Mais pour ses enfants, pour leur "sécurité", pour qu’ils soient "heureux", "épanouis", qu’a-t-elle fait ? Le contraire. Elle a choisi une école privée ultra-chic au cœur de Paris. Une école pour les riches, comme plusieurs de ses prédécesseurs. C’est son droit, bien sûr. Mais quel symbole politique ! D’après l’OCDE, pour l’éducation, la France est un des pays les plus inégalitaires. L’origine sociale des élèves pèse lourd sur leurs trajectoires. Les enseignants le savent. Souvent, ils essaient d’y remédier. Ils y croient. Ils ne veulent pas être les seuls.

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