Dans la bibliothèque de Michelle Perrot : épisode • 24 du podcast Dans la bibliothèque de...

Michelle Perrot, sur le plateau d'émission de François Busnel "La grande librairie", 10/13/2021 ©Getty - Eric Fougère/Corbis
Michelle Perrot, sur le plateau d'émission de François Busnel "La grande librairie", 10/13/2021 ©Getty - Eric Fougère/Corbis
Michelle Perrot, sur le plateau d'émission de François Busnel "La grande librairie", 10/13/2021 ©Getty - Eric Fougère/Corbis
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Chaque vendredi, le book club s’invite chez une personnalité, et visite sa bibliothèque. Aujourd’hui c’est la grande historienne Michelle Perrot dont le livre "S'engager en historienne" vient de paraître, qui nous ouvre la sienne.

Avec
  • Michelle Perrot Historienne spécialiste de l'histoire des femmes, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'Université Paris Cité

Tout son chemin d'historienne le démontre et les ouvrages qu'elle continue de publier continuent de le dire avec force, le livre, en tant qu'il contient des vies qui ne sont racontées nulle part ailleurs en détail, en tant qu'il extrait des vies de la masse sombre dans laquelle la majorité des existences a vocation à se dissoudre, le livre en tant qu'il garde parfois précieusement les rares images d'un visage, des dates parfois, des noms aussi, enfin, le livre, l'écriture, la recherche en tant qu’outils de lutte contre la disparition. Pour Michelle Perrot, encore et toujours, les livres luttent pour la lumière, contre la disparition, contre la nuit.

Après avoir évoqué son rapport à la lecture, dessiné de loin le portrait de sa bibliothèque, nous nous arrêterons sur cinq livres-étapes, choisis pour l'importance qu'ils ont à ses yeux, et nous entendrons les mots de Proust, de François Villon, de Virginia Woolf, de Vercors, de Simone Weil, ou encore de Simone de Beauvoir.

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Les livres étapes de Michele Perrot
Les livres étapes de Michele Perrot
© Radio France - Marianne Chassort

Découvrons les livres étapes de Michelle Perrot

Virginia Woolf, La promenade au phare (Stock)

"Les livres de Virginia Woolf sont importants pour moi. Je pense qu’elle a le sens du féminin, du temps d'une femme, d’une journée d'une femme, des gestes, des difficultés d'être femme. Elle illustre beaucoup la réflexion sur l'être femme qui a été tellement importante pour nous tous et nous toutes dans les années 70 notamment. Donc Virginia Woolf, oui, c'est quelqu'un qui compte beaucoup pour moi. Ce texte, je l’ai découvert il y a longtemps, mais je lui ai donné plus d’importance dans les années 80. Peut-être qu’à ce moment-là, j’ai davantage mesuré son intérêt. Puis je me suis intéressé à son œuvre et à sa vie mélancolique. Comme vous le savez, elle s’est suicidée, alors ce n’est pas nécessairement gai, mais il y a chez Virginia Woolf une grande profondeur d’analyse de vie." Michelle Perrot

Marcel Proust A la recherche du temps perdu (Gallimard/Quarto)

Vercors, Le silence et la mer (Minuit)

"C’est un très beau roman très bien écrit, qui a beaucoup de densité et qui montre que résister, c’est la dignité, le silence et c’est ne pas pactiser avec l'ennemi, même quand il vous occupe. J’ai découvert ce texte dans les années 60. En fait, c'est l'homme de ma vie que j'ai rencontré à ce moment-là qui le la fait découvrir." Michelle Perrot

Fictions / Théâtre et Cie

François Villon, poème Ballade pour prier notre dame

François Villon est un grand poète du XVe siècle. Au fond, j’ai découvert la littérature par le Moyen-Âge, et cela a été pour moi une découverte formidable, une espèce d’illumination de ce qu’était la littérature. François Villon, il est capital, parce qu'il a laissé une œuvre très, importante. Parmi ses textes les plus connus, il y a, par exemple, "La ballade des pendus" qui est un poème très célèbre. De plus, il a eu une vie incroyable. Il était très doué, mais en même temps, c’était un mauvais garçon, il se battait, et il a même assassiné un prêtre. Il a été emprisonné, puis gracié, et il a recommencé à faire des horreurs tout en publiant des poèmes. Et au final, il a été pendu. Autrement dit, voilà encore un homme contestataire mais qui a eu une vie absolument bouleversante et tragique. C’est toutes ces raisons m'ont fait beaucoup aimer François Villon et les textes qu'il a publiés. Michelle Perrot

Les Chemins de la philosophie
51 min

Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe (Gallimard)

"La lecture de Simone de Beauvoir a été très importante pour moi. Son livre "Le deuxième sexe" est paru en 1949, j'étais étudiante à l’époque et je me posais beaucoup de questions. La figure de Simone de Beauvoir était très importante, parce que c'était une femme belle et libre. Elle conduisait sa voiture, elle voyageait beaucoup, seule ou accompagnée, elle écrivait et elle ne voulait pas s'enfermer dans un destin de femme. Elle distinguait aussi les amours essentiels, Sartre a été l'homme de sa vie quand même, et les amours secondaires. Elle était d’une liberté incroyable pour l’époque, et cette liberté m’est apparue comme à portée de main à condition de faire les bons choix. Je n'ai pas lu tout Le deuxième sexe tout de suite, c'est quand même volumineux, pas si simple que ça à lire, surtout pour une jeune étudiante, mais quand je l’ai lu, j’ai eu le sentiment très vif que, plus tard, j’allais devoir me l’approprier, ce que ce que j'ai fait quelques années après, quand j’ai passé l'agrégation dans les années 52-53." Michelle Perrot

Toute une vie
58 min

Simone Weil, La condition ouvrière (Gallimard)

"Je lis "La condition ouvrière" de Simone Weil quand le livre a paru, à peu près dans les années 51. J'ai passé l'agrégation en 51, j'avais déjà fait des recherches sur les grèves ouvrières. Je n'avais pas tellement dans l'idée de faire des recherches, mais finalement, j'ai fait  une thèse là-dessus. J’ai lu beaucoup de textes à cet égard. Ensuite, la figure de Simone Weil, la philosophe, était quelque chose de considérable. J'avais d’abord lu un de ses premiers livres qui s'appelle "La pesanteur et la grâce", car elle venait de milieux chrétiens. Je l'avais d'abord découverte comme telle, dans les milieux chrétiens, comme quelqu'un de très mystique, qui réfléchit beaucoup à la foi, au problème de la foi, de l'angoisse de la perdre. Ensuite, elle a travaillé dans plusieurs usines, à Paris et en province. C’est à la suite de cela qu’elle a publié La condition ouvrière. C'est un très beau texte qui sent bien la joie de la grève. La grève n'est pas seulement un moyen de pression, c’est aussi un mode d'expression, et ça, Simone Weil l'a très bien senti." Michelle Perrot

Le "vrai" métier des philosophes
4 min

Archive

Simone de Beauvoir, émission Questionnaire, 19758

Extrait

Le silence de la mer, Film de Jean-Pierre Melville (1947)

Références musicales

Arandel, Interlude (Variation en section 6)

MJ Lallo, Birth of a star child

Aurora Borealis, The Milky Way

La Chica, La Loba

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