Guerre Israël-Hamas : l’abandon de Gaza ?

Un vendeur ambulant est assis devant un bâtiment endommagé dans la ville de Gaza le 9 février 2024 ©AFP - AFP
Un vendeur ambulant est assis devant un bâtiment endommagé dans la ville de Gaza le 9 février 2024 ©AFP - AFP
Un vendeur ambulant est assis devant un bâtiment endommagé dans la ville de Gaza le 9 février 2024 ©AFP - AFP
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Ce week-end, Israël a poursuivi son offensive sur Khan Younès, concentrant ses efforts sur l’hôpital Nasser. Un épisode, comme un nouveau chapitre de la tragédie israélo-palestinienne dont Jean-Pierre Filiu a tenté de comprendre pourquoi elle ne faisait que des perdants.

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Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain, développe dans Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné, histoire d’un conflit (19 et 21e siècle) un paradoxe troublant : la défaite palestinienne est évidente, mais la victoire israélienne n’existe pas, puisqu'aucun accord de paix n'a encore eu lieu : "le processus de paix, c'est une expression polie, consensuelle, pour la négociation des conditions de la défaite palestinienne".

Les trois forces d’Israël

Afin d’expliquer ce phénomène, Jean-Pierre Filiu développe dans cet ouvrage les trois forces essentielles d’Israël, en commençant par l’antériorité chrétienne du sionisme : "c'est un mouvement évangélique qui va progressivement devenir très important dans le protestantisme anglo-saxon et qui, pour simplifier des questions dogmatiques un peu obscures, considère que les prophéties ne pourront s'accomplir qu'avec le retour du peuple juif sur sa terre d’Israël. Le salut individuel et collectif de ceux qu'on va appeler les sionistes chrétiens passe donc par la réussite de ce projet, dans lequel ils ne peuvent pas participer directement, puisque c'est aux Juifs d'accomplir le destin qui leur a été assigné par le Très-Haut. Pour ces sionistes chrétiens, il faut que la Terre Sainte reste indivisible. Ils sont donc complètement opposés à tout processus de paix". Jean-Pierre Filiu met également en lumière le pluralisme de combat du côté israélien, ainsi que la stratégie des faits accomplis : "il y a un refus de définir l'objectif ultime. Benjamin Netanyahou refuse de dire de quoi sera fait les jours d'après à Gaza. Ces faits accomplis permettent à Israël de garder les mains libres sans justement définir un objectif qui le briderait".

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Répliques
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Les trois faiblesses de la Palestine

Selon Jean-Pierre Filiu, la première grande faiblesse de la Palestine est l’illusion d'une solidarité panarabe : "dans ce conflit qui n'a que trop duré, il y a eu une période où les États arabes sont entrés en guerre contre Israël en 1948, au moment de la fondation de l'État juif, soi-disant au nom de la cause palestinienne. La réalité est que chacun de ces régimes poursuivait ses propres objectifs stratégiques, plus ou moins publics, et qu'au fond les Palestiniens n'étaient qu'un prétexte pour pousser les ambitions régionales de l'Égypte, de la Syrie ou de la Jordanie". La deuxième faiblesse réside dans le factionalisme du mouvement palestinien, divisé en deux grandes familles : "lors que le pluralisme de combat des sionistes puis des Israéliens est un atout dans son conflit, cette polarisation va complètement plomber le nationalisme palestinien, en interdisant la mise en œuvre d'objectifs réalistes et en laissant la place à des surenchères totalement déconnectées de la réalité du terrain". Enfin, Jean-Pierre Filiu met en avant le surinvestissement de la communauté internationale, alors incapable de faire appliquer le droit : "tant que ce deux poids deux mesures persistera, il n'y aura pas de règlement. Il n'y aura pas non plus de victoire d'Israël dans une guerre de longue durée que l'État juif a pourtant gagnée".

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