Pauvreté : fatalité ou choix politique ?

Tentes sur les quais de l'île Saint-Louis à Paris le 15 février 2024 ©AFP - Miguel MEDINA
Tentes sur les quais de l'île Saint-Louis à Paris le 15 février 2024 ©AFP - Miguel MEDINA
Tentes sur les quais de l'île Saint-Louis à Paris le 15 février 2024 ©AFP - Miguel MEDINA
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Un plan de lutte contre la pauvreté a été présenté par le gouvernement le 18 septembre dernier, dont les résultats se font encore attendre. Ce mois-ci, la Fondation Abbé Pierre a alerté une nouvelle fois sur l’augmentation de la pauvreté en France, avec pour facteur principal la crise du logement.

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D'après un rapport de la fondation Abbé Pierre paru l'année dernière, près de 330 000 personnes étaient sans-abri et quatre millions souffraient de mal logement en France. L'association considérait 2023 comme "une aggravation alarmante de la crise du logement".

Définir et chiffrer la pauvreté

Comment calculer l’étendue de la pauvreté en France ? Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, met en avant la diversité des indicateurs et les différentes manières de définir la pauvreté qui en découlent. “La première définition qui vient à l’esprit est celle de l’INSEE qui concerne les personnes en dessous d'un certain seuil dit de pauvreté. En 2021, la dernière année de référence, ce seuil était fixé à 1 150 euros pour une personne seule.” Un indicateur qui établit à environ dix millions le nombre de personnes en situation de pauvreté dans le pays, en comptant celles et ceux qui sortent des radars statistiques. Soit 14 % de la population nationale.

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Si ce chiffre est relativement stable depuis une vingtaine d'années, il reste un outil limité pour comprendre la réalité des situations de précarité, assure Christophe Robert. “L’INSEE propose un indicateur de privation matérielle et sociale qui tient compte des dépenses des ménages sur les besoins essentiels notamment. On parle de privations sur les soins, l'alimentation saine et de qualité, les loisirs ou encore les congés. Au-delà de la grande pauvreté, un pan de la population se sait en situation précaire et craint de basculer dans la pauvreté. Ils savent par exemple que réparer sa voiture avec des coûts autour de huit cents ou mille euros va faire basculer leur budget mensuel. D’un point de vue macroéconomique, en combinant les deux indicateurs, on tombe à 20 % de la population en situation de pauvreté.

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L’échec du système social ?

Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre qui vient de publier Pour les sans-voix. Pauvreté, mal-logement, inégalités ne sont pas des fatalités, chez Arthaud, interpelle également la situation des sans-abris dont le nombre a doublé en dix ans. “Quand je suis arrivé à la Fondation Abbé Pierre il y a dix-neuf ans, il était inconcevable de voir une femme, une mère avec ses enfants ou des mineurs seuls à la rue. Leur nombre est aujourd’hui extrêmement préoccupant.

Les profils des sans-abris restent très divers mais des récurrences existent, ajoute-t-il. “Les anciens bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance sont particulièrement concernés. Ils ont été protégés à dix, quinze, ou dix-huit ans et au début de leur vingtaine, on les pousse à prendre leur indépendance. Ils se retrouvent alors à la rue parce que nous n’avons pas su construire la passerelle qui leur permettrait de rebondir vers une solution de logement.” Une situation qui touche aussi les personnes souffrant de problèmes psychiques, explique Christophe Robert. “Dans les années 1970, de nombreux lits psychiatriques ont été fermés, ce qui était une bonne initiative pour faciliter l'intégration avec le reste de la cité. Néanmoins, l'accompagnement en soins nécessaires n’a pas suivi et ces personnes se retrouvent aujourd’hui dans les lieux d'accueil.” S’ajoutent également les demandeurs d’asile pour lesquels les chambres en centre d’accueil manquent.

En fin de compte, c’est le système social de notre pays qui doit être interrogé face à ces situations où les moyens d’assistance promis sont en deçà des besoins du terrain. “Ces constats doivent nous interpeller. Nous avons la capacité dans ce pays d'apporter une solution digne à chacun. Nous avons globalement ouvert beaucoup de places d'hébergements d'urgence depuis une dizaine d'années. Pourtant, si on ne traite pas les problèmes de fond en amont et en aval, par exemple préparer la sortie de l'hébergement d’urgence vers une solution digne de logement, le nombre de personnes à la rue va continuer de grandir en France.

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Assistance et dépenses de l’État

Les récentes annonces de coupes budgétaires faites pas le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, et les arguments sur la nécessité d’une austérité des dépenses face à la dette grandissante, posent un dilemme. Comment l’État peut-il se donner les moyens de ses ambitions pour protéger les plus précaires ? Christophe Robert souligne ici une fausse opposition qui relève d’un choix politique. “Nous avons bien conscience des 3 000 milliards de dettes. Je parle ici de la Fondation Abbé Pierre et des acteurs sociaux en général. Je préconise dans mon livre de faire mieux avec ce que nous avons déjà. Pour vous donner un exemple concret, le bouclier énergétique mis en place nous a coûté 50 milliards sur les deux dernières années. Il a été utile et nous nous en réjouissons. Le ministre de l'Économie souhaite maintenant en sortir. Pourtant, le gouvernement rate la question du ciblage. Le bouclier s’appliquait uniformément aux très riches comme aux très pauvres. Sa suppression est aussi complète alors qu’il aurait été possible de le maintenir pour les ménages les plus modestes et les classes moyennes inférieures. On sait faire, on a les outils.

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