Agriculteurs en luttes

A Brétigny-sur-Orge, le Groupement des Agriculteurs Biologiques se mobilise ©Maxppp - Cécile Chevallier
A Brétigny-sur-Orge, le Groupement des Agriculteurs Biologiques se mobilise ©Maxppp - Cécile Chevallier
A Brétigny-sur-Orge, le Groupement des Agriculteurs Biologiques se mobilise ©Maxppp - Cécile Chevallier
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Sur les routes de France, les tracteurs ont rebroussé chemin. Emmanuel et Jean, syndiqués à la Confédération Paysanne pour l'un, à la Coordination Rurale pour l'autre, sont retournés à leurs exploitations. Ils racontent leur mobilisation et le monde agricole pour lequel ils ont choisi de se battre.

"On pensait être les bons élèves de l’agriculture, mais après les annonces, on réalise qu’on n’est pas considérés du tout"

Emmanuel est agriculteur céréalier. Basée sur le plateau de Saclay, son exploitation passe intégralement en Agriculture Biologique en 2009. Emmanuel est à la Confédération Paysanne. En habitué des ZAD et autres mobilisations souvent réprimées, il est surpris lorsqu’il réussit avec l’aide d’agriculteurs voisins, membres de la FNSEA, à bloquer la Nationale 118. Pour défendre la capacité des agriculteurs à "vivre de leur travail", il accepte de mettre un temps de côté les dissensions entre syndicats. Mais, quand il réalise qu’il n’arrive pas à attirer l’attention des médias présents, Emmanuel renonce aux alliances.

Pour le jeune agriculteur, le modèle agricole actuel doit être définitivement abandonné, "l’agriculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, elle va dans le mur, sans subvention, il n'y a aucune ferme qui tient, cette agriculture-là, elle est morte". Bien loin des revendications du syndicat majoritaire, Emmanuel et ses compagnons de la Confédération milite pour un modèle "de petites exploitations, avec une transformation des produits à la ferme et du circuit court". Avec le Groupement des Agriculteurs Biologiques d’Île-de-France, il entreprend d’organiser le blocage d’un rond-point à Brétigny-sur-Orge.

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Mais là encore, la couverture médiatique est minimale. Emmanuel a l’impression de ne pas avoir été écouté : "le seul message qui a été entendu au bout de 15 jours, c'est celui de la FNSEA, celui qui dit qu’on peut continuer à polluer les terres, que ce n’est pas grave d’utiliser des pesticides". Pour les militants de la Confédération, le bilan de la mobilisation n’est pas bon, "je n’ai pas les mots, à un moment c’étaient les larmes qui montaient", "c’est comme si Messieurs Macron et Attal m’avaient roulé dessus en tracteur".

"Quand on veut changer quelque chose, on peut le faire : c’est juste que nos politiques n’ont pas envie"

Jean gère deux sociétés de maraîchage en agriculture raisonnée. Il est affilié à la Coordination Rurale depuis plus de quinze ans. Selon Jean, si les agriculteurs sont en difficulté, c’est à cause de réglementations nationales trop pesantes, "lourdes sur les plans financiers et administratifs". Quand les leaders de la Coordination Rurale décident de monter à Rungis, pour bloquer le MIN, Jean et ses collègues s’exécutent, "nous, on ne planifie rien du tout, ce sont eux qui décident". Les agriculteurs qui ont participé à l’action finissent tous en garde à vue. Jean salue pour autant les forces de l’ordre, "ils se sont montrés très compréhensifs, ils venaient en cellule nous voir pour manifester leur solidarité". Le dépôt de plainte abandonné, Jean et ses camarades sont libérés.

À ce jour, Jean ne compte pas abandonner la mobilisation, "chaque année, mon bénéfice se dégrade, on va dans le mur, c’est pour ça qu’on va continuer à mettre la pression", "des paroles de notre Président, de notre Premier ministre, de notre ministre de l’Agriculture, on en voit passer tous les jours, mais nous, on veut des actes et des documents écrits".

  • Reportage : Alain Lewkowicz
  • Réalisation : Eric Lancien

Merci à Emmanuel Vandame et Jean Genest.

Musique de fin - Seeds, Camille, Album : OUÏ (2017)

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