Élections en Iran : l’abstention pourrait-elle ébranler le régime ?

Une femme iranienne vote à Téhéran, lors des élections pour sélectionner les membres du parlement et d'un corps clérical clé, le 1er mars 2024. ©AFP - ATTA KENARE / AFP
Une femme iranienne vote à Téhéran, lors des élections pour sélectionner les membres du parlement et d'un corps clérical clé, le 1er mars 2024. ©AFP - ATTA KENARE / AFP
Une femme iranienne vote à Téhéran, lors des élections pour sélectionner les membres du parlement et d'un corps clérical clé, le 1er mars 2024. ©AFP - ATTA KENARE / AFP
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Des élections se sont tenues vendredi dernier en Iran : la population était appelée aux urnes pour élire à la fois un nouveau Parlement, mais également renouveler l’Assemblée des experts, instance religieuse chargée de la nomination du Guide suprême.

Avec
  • Azadeh Kian Professeure de sociologie, directrice du département de sciences sociales et du CEDREF à l'Université de Paris

L’enjeu au cœur de cette élection, la première depuis le mouvement citoyen “Femmes, Vie, Liberté” : le niveau de participation. Les premières informations retiennent un taux de 40% de participation, soit un taux historiquement bas. Que nous disent ces résultats de la légitimité du régime iranien ? Celui-ci pourrait-il en ressortir ébranlé de ces élections ?

Une opposition forte au régime

Avec un taux de participation qui ne dépasse pas les 41%, les élections législatives iraniennes organisées ce week-end envoient un message politique fort aux autorités du pays. Pour la chercheuse franco-iranienne Azadeh Kian, professeur de sociologie à l’université Paris Cité, c’est un signe du mécontentement populaire vis-à-vis du régime. « Ces élections, organisées tous les quatre ans, devaient légitimer le pouvoir. Les taux de participation étaient en baisse constante ces dernières années, mais cette fois-ci, c'est un vrai camouflet. D’autant que le guide de la révolution, Ali Khamenei, avait appelé les électeurs à participer au vote en le présentant comme un devoir religieux et affirmant que ceux qui ne se rendraient pas aux urnes seraient au service des forces étrangères. »

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La campagne a été marquée par des appels au boycott notamment d’une partie des citoyens en réaction aux violentes répressions du mouvement "Femmes, Vie, Liberté" de 2022. « La population montre clairement son désaccord avec le régime, assure la chercheuse. Les Iraniens souhaitent en majorité qu’il change, mais ils le communiquent de manière très pacifique. Après la non habilitation des candidats réformistes, les élections se sont tenues quasi exclusivement entre ultraconservateurs. La participation a alors perdue tout intérêt. Les Iraniens se sont dits ''à quoi bon voter si notre avis n'est jamais pris en compte ?'' Aujourd’hui c'est l'ensemble du régime qui est rejeté par une majorité des électeurs. »

Quel avenir politique pour le régime ?

Ce désaveu remet en cause la pérennité du régime des mollahs, solidement ancré au pouvoir mais de plus en plus décrié par sa propre population. « Le pouvoir iranien, qui a déjà perdu toute popularité dans le pays, tente depuis plusieurs années de se renforcer à travers les ingérences régionales. Il offre une soutien militaire et financier massif à des groupes proxys en Irak, au Liban, en Syrie ou au Yémen. L’accroissement des tensions qui en découlent, peut aussi influer sur l'émergence d'une alternative politique à l'intérieur du pays. La solution viendra de l’Iran lui-même, et non d’une alternative basée à Paris ou à Washington. Tout dépendra de la façon dont la diaspora travaillera avec l'opposition interne. De toute manière, le pays est marqué ces dernières années par un verrouillage du système politique à tel point que les modérés ont perdu toute marge de manœuvre. L’hypothèse d’un changement de régime devient de plus en plus plausible, même si elle va évidemment prendre du temps. »

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