Vincent Lindon : "J'aime beaucoup pleurer au cinéma"

Vincent Lindon lors de la cérémonie de clôture de la 75e édition du Festival de Cannes. ©AFP - Valery HACHE
Vincent Lindon lors de la cérémonie de clôture de la 75e édition du Festival de Cannes. ©AFP - Valery HACHE
Vincent Lindon lors de la cérémonie de clôture de la 75e édition du Festival de Cannes. ©AFP - Valery HACHE
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En 40 ans de carrière, Vincent Lindon a approché tous les rôles, tous les genres, tous les registres. A l’affiche du nouveau film de Nicolas Boukhrief, “Comme un fils”, il se livre sur ce qui motive ses choix et nous parle de sa façon de préparer les tournages.

Avec

Courtisé par les plus grands réalisateurs et les plus grandes réalisatrices, avec lesquels il a mené des compagnonnages au long cours comme Philippe Lioret, Coline Serreau et Stéphane Brizé, Vincent Lindon a su se tracer un chemin singulier dans le cinéma français. Assistant costumier d’Alain Resnais et technicien sur une tournée de Coluche dans une première vie, il en a depuis eu beaucoup d’autres, au gré des nombreux personnages qu’il a porté à l’écran. Un jour conseiller juridique fraîchement licencié dans La Crise de Coline Serreau (1992), l’autre grutier dans le polar social Fred de Pierre Jolivet (1997), il s’est peu à peu imposé comme l’acteur de référence pour endosser les destins tragiques et incarner l’homme du peuple, à rebours de ses origines sociales. En 2015, dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, Vincent Lindon a marqué les esprits par son interprétation de chômeur longue durée contraint par la pression économique de devenir vigile dans un supermarché. A la clé : le Prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes 2015, le César du meilleur acteur 2016, le Lumière du meilleur acteur ainsi qu’un Magritte d'honneur. Depuis, celui qui s’est façonné l’image d’un artiste engagé n’a cessé d’amener le grand public à aller voir des films qui parlent des problèmes en France. Comme un fils, le nouveau thriller social de Nicolas Boukhrief, est sûrement de cela. Vincent Lindon y campe un professeur désabusé dont la vocation sera peut-être sauvée au contact d’un jeune Rom qu’il va prendre sous son aile. Le temps d'un grand entretien, l'acteur lève le voile sur ses méthodes de travail et ses imaginaires.

Un acteur sans vocation

Fils d'un cadre dans l'industrie automobile, Vincent Lindon appartient à une famille de politiques, juristes, journalistes, éditeurs, le cinéma est arrivé un peu par hasard, presque naturellement :

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"Je n'ai jamais eu la vocation, j'ai jamais voulu être acteur moi. Rien ne m'intéressait, ou presque rien, j'ai mis beaucoup de temps à aller au bac, péniblement, mais assidûment, et puis après j'ai voulu faire une préparation dans une école de commerce, mais j'aurais pu faire n'importe quoi. Ce que je voulais, c'était, exactement comme disait Jean Gabin, travailler et mon travail le faire bien. C'est mon obsession le travail. Alors ça aurait pu être cordonnier, agriculteur, boucher, photographe. [...] Et c'est une coïncidence, je me suis retrouvé sur un plateau de cinéma comme stagiaire costume sur un film d'Alain Resnais, "Mon oncle d'Amérique", et je m'occupais des costumes de Gérard Depardieu. J'avais 19 ans. Et puis, de là, j'ai été propulsé sur la tournée de Coluche. Et donc, effectivement, j'ai croisé quand même deux personnes qui sont pas banales. Qui sont des monstres sacrés, chacun dans leur métier."

De retour à la vie normale, Vincent Lindon travaille dans un journal où il tient une petite rubrique, on lui parle d'un cours de théâtre, il commence à s'y rendre trois soirs par semaine. De fil en aiguille, il est repéré par un metteur en scène et commence à jouer des petits rôles au cinéma. S'il n'a pas le sentiment d'avoir forcé le destin pour devenir acteur, une fois engagé, il redouble d'efforts.

"Je n'ai jamais été chercher incroyablement les choses. Une fois que je suis dedans par contre, alors là, c'est pas pareil. Je me donne du mal. Une fois que je suis sur le circuit, j'essaie d'être en pole position, ou en deuxième, troisième, quatrième, cinquième. J'essaye en tout cas, même si je reste en vingtième position, au moins j'essaye. Je fais beaucoup plus d'efforts une fois que je suis sur la piste pour partir bien placé, que lorsque je rentre sur la piste. J'ai toujours été très fataliste. Je ne me suis jamais vraiment battu pour faire un film, ou il y a très très longtemps, mais il vient, c'est naturel, il ne faut pas forcer les choses."

Le Regard culturel
3 min

Eveiller les consciences

Dans le paysage du cinéma français, Vincent Lindon est identifié pour ses choix de films soulevant des thématiques sociales, il a notamment travaillé avec Pierre Jolivet, Philippe Lioret, Stéphane Brizé, Coline Serreau, à amener le grand public à aller voir des films qui parlent de problèmes sociaux en France.

"Je suis toujours attiré par les films dont je me dis, si j'avais été au cinéma les voir, ils m'auraient éveillé la conscience, dans un sens ou dans l'autre. Et si ces films éveillent ma conscience, ça veut dire qu'ils peuvent éveiller celle des autres. Si un film, un livre, un film, une œuvre d'art, change la vie d'une personne, rien que pour ça, ça aura valu le coup de l'avoir fait. Juste une personne. Deux, c'est mieux. Trois, c'est encore mieux. Et après, un grand nombre, c'est encore mieux. Sinon, on ne fait rien. Si on est condamné à se dire que si ça ne touche pas un grand nombre de gens, alors on ne s'engage pas, alors on ne fait rien. L'intérêt c'est de participer, comme disait Pierre de Coubertin."

57 min

Laisser le sens faire surface

En écoutant Jean Renoir expliquer qu'il faut laisser le message d'un film se formuler tout seul plutôt que de vouloir l'imposer dès le départ, Vincent Lindon ne peut qu'acquiescer :

"Je vais vous dire, c'est quasiment un secret, sauf pour les metteurs en scène avec qui je travaille. Je ne comprends pas grand chose de ce que je fais. Je travaille quasiment en phonétique. Je ne comprends pas toujours le fond des scènes. Quand je lis un scénario, à la fin, je l'aime comme j'aime un aliment. [...] C'est bon ou c'est pas bon, il y a des gars qui sont sympas, puis il y a des gars qui ne sont pas sympas, [...] j'ai envie d'être eux ou pas. Je pense exactement comme Jean Renoir, je ne comprends pas toujours ce que je fais, et je le découvre à travers les journalistes quand je fais la promotion d'un film. C'est par les questions des journalistes que je me rends compte du rôle que j'ai fait, de ce que veut dire le film."

Jouer à deux

Dans Comme un fils, le nouveau thriller social de Nicolas Boukhrief, Vincent Lindon incarne un professeur désenchanté qui retrouve une forme de sens en apprenant à lire et à écrire à un jeune Rom, incarné par Stefan Virgil Stoica. Vincent Lindon explique comment le jeu d'acteur se construit à deux :

"Dès que vous jouez avec un adolescent, ou quelqu'un dont ce n'est pas le métier, on est obligé d'être souple et de suivre ce qui va se passer. Parce qu'il y a une invention chez ce jeune garçon incroyable, et si on est à l'écoute, qu'on sait son texte par cœur évidemment, et qu'on écoute ce qu'il vous dit et le rythme avec lequel il fait, on ne peut pas ne pas être bien, on se colle à lui. [...] Quand on a un bon acteur jeune en face de vous, il n'y a qu'à se laisser traîner. C'est toujours pareil, on joue à deux. Si on est un acteur qui joue tout seul, qui a un ego mal placé et qui ne pense qu'à l'effet qu'il va faire, tout est raté. Le film est raté, on est raté, on n'est pas bon. C'est pareil partout, c'est une affaire de générosité."

Rue des écoles
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Le Regard culturel
3 min

Plus d'informations sur son actualité :

  • Le film Comme un fils, réalisé par Nicolas Boukhrief, avec Vincent Lindon, Karole Rocher et Stefan Virgil Stoica, sort en salles le 6 mars 2024. Synopsis : Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails. Quitte à affronter ceux qui l’exploitent. En luttant contre les réticences mêmes de Victor pour tenter de lui offrir un avenir meilleur, Jacques va changer son propre destin...

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Jean Gabin, sur ses débuts
  • Yves Montand interviewé par Yves Mourousi dans Inter Actualités, en 1973, au moment de la sortie du film “Etat de siège”, de Costa-Gavras
  • Coline Serreau dans Affaires culturelles en janvier 2024 sur France Culture
  • Le choix sonore de l'invité : "Adagio" de Samuel Barber, bande originale du film Platoon, interprété par Cinematic Strings Movie Sounds Unlimited, composé par Ryan Rhodes, paru chez Epic String Records
  • Jean Renoir, archive diffusée dans Cinémagazine en septembre 1974 sur France Culture
  • Grégory Gadebois dans Affaires culturelles en février 2023 sur France Culture
Les Nuits de France Culture
47 min

Le Son du Jour : “Enfant de la rue” de Tiken Jah Fakoly

Si le succès en salles du biopic sur Bob Marley témoigne d’un intérêt toujours présent pour sa musique, l’histoire du reggae ne s’est, loin s'en faut, pas arrêtée à la mort de son héros en 1981. Le continent africain a été, dès les années 1980, un terreau fertile du genre. Si Alpha Blondy a ouvert la voie en Côte d'Ivoire, Tiken Jah Fakoly ne s'est pas fait prier pour lui emboîter le pas. Arrivé en 1987 avec son groupe Djelys, il est rapidement devenu un incontournable de la scène musicale ouest-africaine, au point qu'il a pris son envol en solo en 1997. Figure de l'artiste engagé, il n'a eu de cesse d'alerter les consciences sur les conséquences du colonialisme et de la corruption sur le continent. Le public français a eu l'occasion de l'entendre dans différents festivals d'été, où il a défendu des morceaux mémorables comme "Plus rien ne m’étonne", "Tonton d’America" et "Africain à Paris". Des morceaux qu’il est désormais possible d’entendre en version acoustique dans un album simplement intitulé Acoustic, où figure notamment le titre "Enfant de la rue".
Paru dans sa version originale dans l'album Braquage de pouvoir en 2022, il aborde les épreuves violentes que vivent les enfants de la rue. C’est notre Son du Jour.

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