Médias : comment se construit le pluralisme ?

Plusieurs micros, représentant différents médias français, à Toulouse en 2018. ©AFP - Pascal Pavani
Plusieurs micros, représentant différents médias français, à Toulouse en 2018. ©AFP - Pascal Pavani
Plusieurs micros, représentant différents médias français, à Toulouse en 2018. ©AFP - Pascal Pavani
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A la suite d'une saisine par Reporters sans frontières, le Conseil d'Etat a demandé le 13 février à l'Arcom de renforcer son contrôle sur la chaine CNews. Une décision replaçant au cœur du débat la question du pluralisme dans les médias. Comment renforcer et garantir ce pluralisme ?

Avec
  • Camille Broyelle Professeure de droit à l’université Panthéon Assas et directrice du master droit du numérique/ droit des médias à la même université
  • Sylvain Bourmeau Journaliste, professeur associé à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du journal AOC et producteur de l'émission "La Suite dans les idées" sur France Culture
  • Philip Turle Journaliste britannique, chroniqueur international à France 24

Après un recours de Reporters sans frontières à propos de le chaine CNews, le Conseil d’Etat a jugé, le 13 février dernier, que l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, devra désormais prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques.

Jusqu’alors, le pluralisme politique sur une chaîne de télévision ou une radio, qu'elle soit publique ou privée, se mesurait par le temps de parole des invités politiques.

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Cette décision du Conseil d’Etat a immédiatement donné lieu à des réactions de la chaîne CNews mais également d’acteurs publics qui s’interrogent sur la faisabilité d’une comptabilité non seulement des invités politiques mais aussi des chroniqueurs et journalistes selon leur orientation politique supposée.

Car le pluralisme n’est pas un donné mais une construction évolutive au fil du temps.

Comment se construit-il ?

La Question du jour
8 min

Le pluralisme, « l'un des défis le plus important du XXIe siècle » ?

Camille Broyelle revient sur la définition du pluralisme **: « Le pluralisme est un construit de la part des pouvoirs publics qui doivent prendre des mesures pour garantir ce pluralisme. Le pluralisme c’est donc exposer le public, quel qu'il soit, à différents courants d'expression et de pensée. Evitant ainsi que personne ne puisse prendre le pouvoir de l'opinion et être le seul ton, donner la seule couleur à l'opinion publique ».

Philip Turle croise les regards en parlant de la situation en Angleterre : « La pluralité des médias, pour moi, c'est l'un des défis le plus important du XXIe siècle ». En ce sens, il évoque les problèmes récents auxquels est confrontée la BBC : « La BBC, qui est mondialement respectée comme le summum des médias d'État, qui vérifie les informations, qui a une parité parfaite etc, est attaquée en ce moment par certains membres du gouvernement britannique, et par Boris Johnson pendant la période du Brexit, en disant que la BBC est trop à gauche et qu’elle critique trop les conservateurs . Ces personnes souhaitent donc que le financement de la BBC baisse et en effet nous voyons petit à petit la perte d’influence de la BBC, qui a de moins en moins sa place comme le média le plus respecté en Grande-Bretagne ».

Pour Sylvain Bourmeau, un moyen de garantir le pluralisme serait de contrôler les propriétaires des médias : « Je pense personnellement qu'il serait mieux de renforcer des modes de pluralisme externes, y compris sur la télévision et la radio, par exemple en ayant des lois antitrust, comme aux États-Unis où la situation est compliquée, mais où il y a beaucoup plus de contraintes qui pèsent sur les propriétaires de médias qu'en France. En France, un des moyens de contrôler ces puissances, ce serait selon moi d'interdire le fait d'être propriétaire de plusieurs chaînes, de radios, de journaux, etc ».

Camille Broyelle exprime son désaccord, selon elle, le contrôle du pluralisme doit se faire en interne comme l’a suggéré le Conseil d’Etat : « Comment concrètement, par des lois notamment anti-concentration, pouvons-nous empêcher qu'un groupe prenne la totalité de l'opinion ? Selon moi, ces restrictions externes ne suffisent pas à faire émerger des paroles contradictoires et seul un pluralisme interne peut être imposé. Ce sont les médias qui font l'opinion, qui en rendent compte et qui la fabriquent. Et c'est le nerf, la substance de la vie démocratique, de la vie en société ».

Pour aller plus loin :

- Camille Broyelle est co-autrice de l'ouvrage :  Droit de la régulation audiovisuelle (Editions LGDJ, 2020)

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