À la recherche de Louise Labé, poétesse de l'humanisme : épisode • 3/4 du podcast Louise Labé et le temps de l’humanisme

Portrait de Louise Labé d'après une estampe de P. Wœriot publié par Félix Desvernays dans "Étude biographique et bibliographique sur Claudius Brouchoud", 1887 - Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Portrait de Louise Labé d'après une estampe de P. Wœriot publié par Félix Desvernays dans "Étude biographique et bibliographique sur Claudius Brouchoud", 1887 - Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Portrait de Louise Labé d'après une estampe de P. Wœriot publié par Félix Desvernays dans "Étude biographique et bibliographique sur Claudius Brouchoud", 1887 - Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
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Cinq siècles après sa naissance, Louise Labé ne cesse de fasciner. Qui était cette poétesse humaniste du milieu du XVIe siècle et que véhicule le mythe de la "Belle Cordière de Lyon" ? En quoi Louise Labé a-t-elle marqué son temps ?

Avec
  • Élise Rajchenbach Maîtresse de conférences en littérature française de la Renaissance à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne, membre junior de l'Institut universitaire de France
  • Blandine Perona Maîtresse de conférences en langue et littérature françaises à l’Université Polytechnique des Hauts-de-France, membre junior de l'Institut universitaire de France

Louise Labé, "la Belle Cordière" ! Un cordier est une personne qui fabrique et vend des cordes… à ne pas confondre avec le cordier, la pièce de bois sur laquelle sont attachées les cordes pour un violon ou pour un luth ; à ne pas confondre non plus avec un Cordelier, le surnom donné aux frères mineurs de l'Observance, ordre religieux fondé au XIVe siècle. Quant à la cordelière, c’est une petite corde tressée qui sert de ceinture, mais si elle est belle, il s’agit de la poétesse Louise Labé, qui savait jouer du luth, qui était fidèle à l’observance des règles de la poésie et qui dans son Débat de Folie et d'Amour évoque tant de pommes d’or, chaînes, bagues, et de ceintures !

"La Belle Cordière de Lyon" : le mythe de la poétesse courtisane

Louise Labé naît à Lyon vers 1524. La ville est alors le principal foyer de développement de l’humanisme en France. Au carrefour des routes commerciales transalpines, Lyon bénéficie d’un climat cosmopolite favorable à la propagation des idées nouvelles. Une diaspora italienne, et notamment florentine, y diffuse le goût pour la poésie d’amour, les canzoniere, et notamment les sonnets de Pétrarque.

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Fille d’un cordier aisé, Louise Labé se forge vite une réputation de femme de lettres. Cependant écrire et surtout publier ses écrits constitue pour une femme un acte de transgression qui la fait sortir de l’univers domestique. Cela explique l’accusation de "fille publique" qui lui est portée à travers le mythe de "la Belle Cordière de Lyon", où une femme aux mœurs légères et au comportement répréhensible, assimilée à Louise Labé, est dépeinte. Élise Rajchenbach, biographe de Louise Labé, le résume ainsi : "La Belle Cordière est une figure qu'on retrouve plus ou moins dans le même temps à Lyon. C'est peut-être une figure légendaire, peut-être Louise Labé, peut-être un peu des deux. Il y a certainement une contamination réciproque. Elle représente en tout cas une figure sulfureuse que l'on rencontre à la fois dans des poèmes et dans des polémiques religieuses."

L'Esprit des lieux
3 min

Le parcours d'une autrice humaniste

Pour faire taire les rumeurs, Louise Labé publie en 1555 ses Œuvres, où elle revendique fièrement sa qualité de poétesse et appelle les femmes à s’émanciper par la littérature. Ce recueil comporte trois parties principales : un débat allégorique entre la Folie et l’Amour, une série d’élégies et de sonnets qui traitent du sentiment amoureux, et un corpus de poèmes de louanges de la poétesse, écrits par des auteurs amis. Selon la professeure de lettres Blandine Perona, "l'humanisme dans la poésie de Louise Labé se ressent dans le choix des genres. L'élégie est un genre emprunté à la littérature antique, relativement nouveau en langue vernaculaire. Le sonnet est un genre identifié à Pétrarque, introduit en France via Clément Marot. C'est un genre italianisant très à la mode". Femme d’affaire avisée, Louise Labé sait par ailleurs faire jouer ses connexions avec les banquiers florentins installés à Lyon pour investir son patrimoine dans les foires environnantes. Les bénéfices qu’elle en tire lui permettent de se consacrer exclusivement à la littérature.

À la fin de la vie de Louise Labé, le climat intellectuel lyonnais est de moins en moins favorable à l'épanouissement de la poésie humaniste : catholiques et calvinistes s'opposent vivement, et à partir de 1562, les guerres de Religion nuisent au commerce et appauvrissent la ville. Louise Labé s’y éteint en 1566, laissant derrière elle un ouvrage qui a traversé les siècles.

Pour en savoir plus

Blandine Perona est maîtresse de conférence en langue et littérature française à l’Université Polytechnique Hauts de France et membre junior de l’Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur la place de la rhétorique antique et moderne dans le courant humaniste, plus particulièrement sur la déclamation.
Publications :

  • Fabrique du scandale et rivalités mémorielles en France et en Europe (1550-1697), codirigé avec Isabelle Moreau et Enrica Zanin, Presses universitaires de Bordeaux, 2022
  • Prosopopée et persona à la Renaissance, Classiques Garnier, 2013

Élise Rajchenbach est maîtresse de conférences en littérature française de la Renaissance à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne et membre junior de l’Institut universitaire de France.
Publications :

  • Louise Labé. La Rime féminine, Calype, 2024
  • "Mais devant tous est le Lyon marchant." Construction littéraire d’un milieu éditorial et livres de poésie française à Lyon (1536–1551), Droz, 2016
  • Charles Fontaine, un humaniste parisien à Lyon, Droz, 2014

Références sonores

Archives :

  • Passé historique du Vieux Lyon, Dimanche en France, ORTF, 23 octobre 1960
  • Le métier de cordier, Midi Atlantique, 12 mai 1966
  • Pascal Copeau à propos de Rabelais et Louise Labé, France 3, 1978
  • Madame Simone à propos de Marguerite de Navarre, France Culture, 3 octobre 1968
  • Sonnet VIII dans "Soirée chez Louise Labé", ORTF, 8 janvier 1967

Lectures par Frédérique Labussière :

  • Louise Labé, Épitre dédicatoire à Mademoiselle Clémence de Bourges, 24 juillet 1555
  • Louise Labé, Sonnets, XVIII, 1955
  • Louise Labé, Sonnets, VIII, 1955

Musique : Baise m'encor par Cyrius, d'après le Sonnet VIII de Louise Labé

Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020

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