Acheminement de l’aide humanitaire : les États-Unis peuvent-ils encore faire pression sur Israël ?

Le navire Open Arms, transportant 200 tonnes d'aide alimentaire pour Gaza, est à quai dans le port chypriote de Larnaca le 9 mars 2024. ©AFP - Iakovos Hatzistavrou / AFP
Le navire Open Arms, transportant 200 tonnes d'aide alimentaire pour Gaza, est à quai dans le port chypriote de Larnaca le 9 mars 2024. ©AFP - Iakovos Hatzistavrou / AFP
Le navire Open Arms, transportant 200 tonnes d'aide alimentaire pour Gaza, est à quai dans le port chypriote de Larnaca le 9 mars 2024. ©AFP - Iakovos Hatzistavrou / AFP
Publicité

Aucune trêve n’a été conclue entre Israël et le Hamas alors que le ramadan vient de débuter. Le week-end dernier, face à la crise humanitaire qui fait rage à Gaza, Joe Biden a haussé le ton, disant que Benyamin Netanyahou faisait “plus de mal que de bien à Israël”.

Avec
  • Amélie Ferey Chercheuse au centre des études de sécurité de l’IFRI et coordinatrice du laboratoire de recherche sur la défense

On aurait pu imaginer que les États-Unis feraient pression pour simplifier un acheminement humanitaire par voie terrestre et le point-frontière de Rafah - pourtant, ils ont préféré la construction d’un port temporaire pour transmettre leur aide. Aurait-on surestimé l’influence américaine en Israël ?

Pourquoi les États-Unis ne font-ils pas pression sur Israël ?

Les États-Unis ont un rôle prépondérant à la fois en Israël et en Égypte. Cette position pourrait leur permettre de faire pression, afin que l’aide humanitaire puisse circuler normalement au point de passage de Rafah. Les choses ne sont pas aussi simples, comme l’explique Amélie Ferey, politiste, responsable du laboratoire de recherche sur la défense de l’IFRI : “Israël bénéficie d'une aide de 3,8 milliards par an et l'Égypte se situe juste après avec 1,3 milliard de dollars. Les États-Unis ont des moyens de pression, effectivement, mais il faut voir l'architecture globale et leur capacité à utiliser ces moyens de pression pour contraindre les acteurs. C'est évidemment un chiffre impossible à vérifier, mais pour les Israéliens, il y a à peu près 40 % de l'aide humanitaire qui va au Hamas. Donc, du côté américain, Biden a toujours été très clair sur le droit d'Israël à se défendre et sur le fait qu'il soutenait l'offensive militaire d'Israël pour contrer le Hamas. Le rôle des États-Unis est complexe, car à la fois, ils soutiennent l'idée d'une région sans Hamas et éventuellement sans Hezbollah, et ne vont donc pas contrer Israël pour ce faire. De l'autre côté, ils veulent quand même sauvegarder les civils et aussi le droit international. Ils en sont réduits à essayer de limiter les dégâts en faisant de l'aérolargage. Les États-Unis sont pris en étau entre à la fois l'idée de préserver les intérêts militaires d'Israël et en même temps limiter les pertes civiles”.

Publicité
Cultures Monde
58 min

L’angoisse de l'Égypte face à un transfert des Gazaouis au Sinaï

Un point central pour le passage de l’aide humanitaire, celui de Rafah, se situe au niveau de la frontière égyptienne. Si l’Égypte s’accorde avec Israël pour faire blocage, c’est surtout par crainte, comme l'explique Amélie Ferey : “l’angoisse des Égyptiens est la possibilité qu'il y ait 2 millions de Gazaouis dans le Sinaï, car ils ont très peur d'un transfert de la population. Ils sont sur une ligne où l'aide humanitaire a plutôt intérêt à aller à Gaza, puisque cela permettrait justement de rendre la région plus vivable et donc de réduire la pression pour ouvrir la frontière. Cependant, les Égyptiens ont aussi un intérêt à avoir un Hamas qui est démantelé, c'est donc pour cela qu'il y a une coopération avec Israël sur ce point".

Les Enjeux internationaux
11 min

Une stratégie de Joe Biden en vue des élections présidentielles

L’argument principal de l’État d'Israël est que l’aide humanitaire profite au Hamas, ce qui empêche également les États-Unis de faire pression. Cependant, “les États-Unis peuvent se dire qu’il est préférable de prendre le risque qu'une partie aille au Hamas, car celui qu'il y ait encore plus de morts civiles est plus important. D'un point de vue humanitaire, mais aussi d'un point de vue de l'image, puisqu'il faut restituer toute cette discussion dans le contexte de l'élection américaine qui aura lieu à l'automne prochain. Biden a une problématique intérieure : l'aile gauche de son parti est pro-palestinien, très remontée contre Israël, et elle risque de s'abstenir si elle estime que Biden n'a pas assez fait pour les civils, ce qui pourrait lui coûter l’élection. C'est pour cela que Biden essaye de ménager la chèvre et le chou, pour justement montrer qu'il est actif et qu'il défend les civils palestiniens, mais en même temps laisser à Israël une marge de manœuvre et la possibilité de mener à bien son objectif de la destruction du Hamas”.

L'équipe