L'économie selon Tina Modotti : épisode • 98 du podcast L'économie selon...

"Femme au drapeau" de Tina Modotti (1928) ©Maxppp - CORTESÍA THROCKMORTON/EFE/Newscom/MaxPPP
"Femme au drapeau" de Tina Modotti (1928) ©Maxppp - CORTESÍA THROCKMORTON/EFE/Newscom/MaxPPP
"Femme au drapeau" de Tina Modotti (1928) ©Maxppp - CORTESÍA THROCKMORTON/EFE/Newscom/MaxPPP
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En quoi les photographies de Tina Modotti dénoncent-elles les conditions de vie des défavorisés et les inégalités sociales et économiques dans le Mexique du début du XXe siècle ?

Avec
  • Gérard de Cortanze Écrivain, essayiste, traducteur, critique littéraire
  • Eugénia Palieraki Maîtresse de conférences en histoire et civilisation de l'Amérique latine à Cergy Paris Université

Tina Modotti, photographe et militante politique italienne, a marqué l'histoire de la photographie par son engagement politique d’extrême gauche. Soucieuse des classes laborieuses et défenseuse des idées révolutionnaires et marxistes, elle a photographié toute une histoire économique, des paysans mexicains aux manifestations du 1er Mai.

Née en 1896 dans le Frioul, elle a eu une vie foisonnante : migrante italienne, prolétarienne fraîchement débarquée en Amérique, mannequin, photographe, révolutionnaire puis engagée dans la guerre d’Espagne - elle déploie toute une vie d’engagement. C’est en s’installant au Mexique dans les années 20 qu’elle embrasse véritablement la cause révolutionnaire. Comme le note Eugenia Palieraki, "le Mexique est marqué par les inégalités sociales, par une paysannerie très massive, analphabète, qui vit dans des conditions extrêmement précaires, par des ouvriers qui vivent mieux que la paysannerie. Ils ont des taux plus importants d'alphabétisation, ce qui donne accès aux droits de vote, mais ils sont en même temps de plus en plus discriminés, en grève, réprimés par le régime. Et donc la révolution, qui commence en 1910, mobilise à la fois les paysans, les ouvriers, les classes moyennes éclairées, des élites libérales".

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Dans un Mexique portée par une nouvelle Constitution révolutionnaire et foisonnante d'idéaux d’extrême gauche, elle porte son objectif vers les luttes sociales et politiques qui façonnent le pays dans l’entre-deux-guerre (réforme agraire, mouvements post-révolutionnaire, mobilisations des travailleurs…).

Tina Modotti a utilisé la photographie comme un moyen d'expression politique, capturant avec habileté les réalités sociales et économiques de son époque. Son objectif était autant artistique que militant, utilisant son art pour documenter les inégalités, les luttes des travailleurs et les bouleversements politiques. À travers son objectif, elle a exploré les relations complexes entre les classes sociales, les paysans, les ouvriers et les intellectuels, témoignant ainsi de son engagement profond envers la cause révolutionnaire.

Selon Gérard de Cortanze, l'œil engagé de Tina Modotti transparaît jusque dans ses natures mortes, "par exemple, le chapeau mexicain avec faucille et marteau. (…) C’est ça qui va être la grande différence entre Modotti et Weston, et c'est une des raisons pour lesquelles ils vont se séparer. Parce qu'Edouard Weston, lui, c'est l'art pour l'art", alors que Tina Modotti ne départit pas sa photographie de l'action politique.

Pour aller plus loin

  • Gérard de Cortanze : Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre (Albin Michel, 2020)
  • Eugenia Palieraki et Clément Thibaud : Deux siècles de révolutions et de contre-révolutions, L'Amérique latine embrasée (Armand Colin, 2023)
  • Eugenia Palieraki : : Naissance d’une révolution, historique critique du MIR chilien (Terres de feu, 2023)
  • Tina Modotti . L'œil de la révolution, du 13 février au 12 mai 2024 au Jeu de Paume à Paris
Les Nuits de France Culture
1h 20

Références sonores

  • Extrait du film Frida réalisé par Julie Taymor, sorti en 2002
  • Lecture d'un extrait de Hollywood Story de Franck Capra (1971)
  • Extrait du film Viva Zapatta réalisé par Elia Kazan en 1952
  • Lecture d'un extrait de Viva de Patrick Deville (2016)
  • Extrait de la fiction Tina Modotti réalisée par Christophe Hocké, une fiction de Gérard de Cortanze pour France Inter
  • Lecture de "Tina Modotti est morte" de Pablo Neruda

Références musicales

  • "Mandi Friul" de Francesco Bearzatti (Suite for Tina Modotti)
  • "The Dream of Delphi" de Bat For Lashes

L'équipe