Relance : Keynes qui se passe ? : épisode • 1/3 du podcast Politiques économiques : l'ère des choix

Valery Giscard d'Estaing explique son plan budgétaire lors d’une conférence de presse le 19 septembre 1973 à Paris. ©AFP
Valery Giscard d'Estaing explique son plan budgétaire lors d’une conférence de presse le 19 septembre 1973 à Paris. ©AFP
Valery Giscard d'Estaing explique son plan budgétaire lors d’une conférence de presse le 19 septembre 1973 à Paris. ©AFP
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Qu’est-ce qu’une politique de relance ? Dans quelle mesure les politiques économiques d’après-guerre et des Trente Glorieuses empruntent-elles à la théorie keynésienne ?

Avec
  • Jacques Mistral Economiste, ancien conseiller de Michel Rocard à Matignon, ancien professeur à Sciences Po et à Harvard
  • Jean-François Ponsot Professeur de sciences économiques à l’Université Grenoble-Alpes, chercheur au laboratoire PACTE

Alors que les prévisions de croissance pour l’année 2024 ont été revues à la baisse mi-février, la décision de Bercy de revoir à la baisse le budget de l’État laisse entendre sa volonté de rompre durablement, si ce n’est définitivement, avec la stratégie du “quoiqu'il en coûte” qui a suivi la période de la pandémie. Si ce vaste programme fondé sur la dépense publique a tranché avec la tendance majoritaire à la “rigueur” budgétaire, celui-ci évoque la grande politique de relance opérée dans le sillon de la crise des subprimes en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

La “relance” budgétaire, dont la majorité des racines théoriques se trouvent dans l'œuvre de John Maynard Keynes et qui semblait mise au ban depuis la fin des Trente Glorieuses, réapparaît ainsi comme un outil légitime de politique publique. Jean-François Ponsot nous explique " le contexte économique des Trente Glorieuses est marqué par une forte croissance certes, mais aussi et surtout par des cycles économiques : il y a des phases hautes (croissance forte, chômage faible) et des phases basses (l’inverse, mais contenu, puisque la croissance reste élevée). Les phases hautes se traduisent ponctuellement par de l’inflation : la politique budgétaire est alors utilisée comme instrument économique conjoncturel et les dépenses publiques servent de variable d’ajustement, en étant augmentées lorsque l’économie patine et baissées lorsqu’elle frôle la surchauffe. Mais il faut bien avoir en tête que la politique restait dans l’ensemble très interventionniste et très volontariste avec le système de planification, il n’y avait pas de tarissement brutal des dépenses publiques et d’austérité". Certains revendiquent l’apparition d’un consensus, selon lequel nous serions “tous devenus keynésiens” ; mais si la logique de la relance économique par la dépense publique était de mise dans la période de l’après-guerre, elle ne s’inscrit plus aujourd’hui dans une logique de politique publique globale ni de cohérence idéologique. On parle en effet plus volontiers de “moments” keynésiens plutôt que de politiques keynésiennes, tant leur usage est aujourd’hui cantonné aux situations de grandes crises et tant il est entendu qu’elles n’ont pas vocation à s’étendre dans le temps.

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On assiste ainsi à un déplacement du débat, qui ne porte plus sur la légitimité des politiques de relance, mais bien sûr les conditions de leur mise en œuvre ; plus que jamais, les crises récentes et les besoins grandissants de l’économie en termes d’investissement (notamment dans le secteur de la transition énergétique) pointent du doigt la nécessité d’une relecture contemporaine de Keynes, Jacques Mistral ajoute "je considère aujourd'hui que le champ de la “relance” au sens traditionnel est débordé. Ce n’est pas la politique économique, keynésienne ou non, qui peut décider d’un régime de croissance : les déterminants fondamentaux de la croissance à moyen terme résident dans l’innovation, la compétitivité, l’état des relations sociales et de travail et dans le niveau d’éducation. Face à cela, on peut soit être passif (laisser-faire) soit adopter une attitude active, en considérant que la politique économique doit créer un cadre propice à l’épanouissement de ces variables. Somme toute, une politique keynésienne souhaitable ne serait pas vraiment de dépenser davantage, mais plutôt de dépenser mieux et d’encadrer les mécanismes de marché".

À écouter : Les leçons de Keynes
John Maynard Keynes

Pour aller plus loin

  • Jacques Mistral : La science de la richesse, ed. Eyrolles, 2019
  • Jean-François Ponsot : “ Sommes nous vraiment tous devenus keynésiens ?”, The Conversation, 9 juin 2020
  • Jean-François Ponsot, avec Marc Lavoie et Virginie Monvoisin : L’économie post-keynésienne, collection Repères, éd. La Découverte, 2022

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