Thomas Brail, l'écureuil militant : épisode du podcast Des arbres et nous

Thomas Brail, dans un platane ©Maxppp - Fred Dugit
Thomas Brail, dans un platane ©Maxppp - Fred Dugit
Thomas Brail, dans un platane ©Maxppp - Fred Dugit
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Logé dans son platane, Thomas Brail s'est battu, avec de nombreux militants écologistes, contre la construction de l’autoroute A69. Qui est cet homme, comment explique-t-il son combat pour les arbres et contre cette autoroute, et pourquoi a-t-il choisi cette forme de protestation ?

Thomas Brail habite dans le Tarn, pas loin de la commune de Mazamet. Dans sa maison, il se chauffe au bois, mais l’arboriste-grimpeur coupe ses arbres avec minutie, "j'ai un hectare et demi de terrain avec de la forêt, mais je suis respectueux : quand je prélève un arbre, c’est toujours en conscience". Thomas aime les arbres qui l’entourent, comme des amis, "les arbres dans ma vie ont une place à part", "moi, j'ai besoin d'aller en forêt". En 2019, il fonde le GNSA, Groupe National de Surveillance des Arbres, pour les protéger, "quand je vois des arbres qui sont abattus, qui n'auraient pas vocation à l'être, comme les arbres d'alignement sur le bord des routes, ça, ça me rend triste en fait, parce que c'est de la perte gratuite".

"Je me suis accroché presque un mois dans un platane face au ministère de la Transition écologique"

Thomas raconte les batailles qu’il a menées pour défendre ses compagnons feuillus. En 2019, lorsqu’il apprend que le maire de Mazamet compte abattre neuf platanes centenaires, l’arboriste-grimpeur proteste. Deux platanes sont tronçonnés et Thomas réalise que ses arguments écologiques et juridiques ne seront pas entendus. Mais il ne compte pas abandonner la mobilisation pour autant, et le soir même, il se prépare chez lui pour sa première ascension : dans la nuit, il choisit un platane sur la place et s’y arrime. Très vite, son action est relayée par la presse locale. Dans la foulée, la mairie abandonne son projet initial, c’est la première fois que Thomas utilise sa "profession au service de la lutte pour les arbres".

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La Science, CQFD
58 min

Après Mazamet, il est appelé à Condom par une habitante, qui s’inquiète de l’avenir des 26 platanes des allées de la ville, "j'ai passé à peu près un mois à Condom, à essayer de convaincre le maire", "on allait tous les jours en mairie, on allait tous les jours sonner en sous-préfecture". Lorsqu’il comprend que les autorités locales refusent de l’écouter, Thomas délocalise son action à Paris, devant les bureaux de la ministre de la Transition écologique de l’époque, Elisabeth Borne. Le grimpeur raconte avec émotion le soutien apporté par ses camarades militants, ou des inconnus de passage "Jessy, je le garde dans mon cœur, il m’offrait le repas de midi et le repas du soir, dans une brasserie qu'il y avait juste à côté, à la fin, je lui ai demandé la note, mais il a refusé". Mais cette fois-ci, pas de victoire pour le défenseur des arbres : pendant qu’il descend de son platane à Paris, les CRS abattent les arbres de Condom.

"On ne peut plus se permettre tous ces projets destructeurs qui lacèrent nos terres agricoles, qui empêcheront nos enfants de se nourrir local plus tard"

Thomas Brail a aussi pris part à la ZAD de l’A69. À la Crem’Arbre, ils sont nombreux à avoir suivi l’exemple de l’arboriste-grimpeur, et des dizaines de grimpeurs, surnommés écureuils, protègent ainsi les arbres qui longent le tracé de l’autoroute. Thomas explique les raisons de son engagement, "le projet d'autoroute A69 consiste à artificialiser 53 km de terres agricoles, il va toucher les nappes phréatiques et il met sur le carreau à peu près une centaine d'agriculteurs", "c'est un projet anti-social parce que c'est 17 € l'aller-retour pour 53 km", "va y avoir un flux de camions énormes, qui vont encore rouler, rouler, rouler, rouler".

Après avoir essuyé un premier échec à Vendine, où l’arbre dans lequel il s’était installé à été abattu, Thomas décide de repartir vers la capitale. Devant le ministère de la Transition écologique, il entame une grève de la faim de 28 jours. Délogé par les forces de l’ordre, à bout de forces, Thomas Brail confie aussi ses doutes, "parfois, je suis fatigué de me battre", "il peut m'arriver de me dire que ce que je fais ça ne sert à rien", "le temps que tu passes là, ça va leur profiter à eux, alors qu'eux, ils n'ont rien foutu".

À écouter : Génération ZAD
Notre-Dame-des-Landes
  • Reportage : Anna Benjamin
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Thomas Brail et à Véronique Rebeyrotte.

Musique de fin - Waiting on the World to Change (featuring Ben Harper), John Mayer, Album : The Village Sessions

Pour aller plus loin

A69 : le militant Thomas Brail à nouveau perché dans un arbre face au ministère de la Transition écologique, par Aymeric Renou pour Le Parisien, 2024

Qui est Thomas Brail, l’homme perché dans un arbre à Paris contre l’autoroute A69, par Lise Ouangari pour Ouest France, 2023

Thomas Brail participera au spectacle musical L'Éloge de la forêt, de Patrick Scheyder. La première aura lieu le samedi 1er juin 2024 à l' Académie du Climat (2 place Baudoyer, Paris 4ème) pour la Nuit Blanche.

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