Gaza : la logistique du secours

Les camions bloqués à Rafah depuis des semaines montrent à quel point les problèmes politiques et logistiques sont entremêlés lorsqu'il s'agit d'intervenir en urgence sur un territoire où les besoins primordiaux des populations ne sont plus satisfaits.

Selon Philippe Bonnet, lorsqu'on compare la mise en œuvre de la logistique humanitaire entre l'Ukraine et Gaza, on voit que le problème est avant tout politique : "Les camions, ils sont là, ils sont pleins, ils attendent. Le problème, c'est les autorisations pour les faire rentrer. En Ukraine, où on est intervenu dès le 28 février, on était face à un État ukrainien et des États frontaliers qui facilitaient l'entrée et qui nous ont laissé rentrer, opérer sans entrave. Là, le problème sur la bande de Gaza, c'est qu'elle est sous blocus. Tout les biens ne peuvent pas rentrer".

Le nombre réduit de biens qui peuvent entrer à Gaza demande d'ailleurs des efforts logistiques spécifiques de la part des humanitaires : Qu'est-ce qui doit entrer en priorité ? Comment distribuer des vivres et du matériel à une population où chacun est dans le besoin ? Comment intervenir lorsque le nombre d'humanitaires est restreint et la quasi-totalité des routes bloquées ?

Ainsi, Charlotte Schneider " pointe très fortement le rôle central de l'agence UNRWA, seule agence étant en capacité de justement déployer et de coordonner l'aide humanitaire dans la bande de Gaza ". Elle précise aussi la position vulnérable qu'occupe désormais le personnel humanitaire à Gaza, " devenu également bénéficiaire de l'aide. Tous les jours, ils cherchent à maintenir en vie leur famille, à accéder à de la nourriture, à accéder aux médicaments, à accéder aux produits d'hygiène, à accéder à l'eau, à accéder à des conditions suffisantes d'hygiène ".

L'évaluation des besoins, notamment nutritifs, se fait en coopération avec d'autres institutions (locales, ONG, agences) sur place. Elle requiert des outils privilégiés par les humanitaires pour mesurer la soif, la fin ou la maladie . La logistique devient centrale là où bien compter les calories et les litres d'eau peut sauver des vies.

Dans un tel contexte, et dans un processus de professionnalisation et de standardisation de l'action humanitaire, l'intervention d'urgence n'échappe pas aux logiques d'optimisation, de performance, et de mise en commun des moyens avec l'armée, les agences et les autres ONG internationales.

Plus encore, la logistique est devenue centrale au sein de ces organisations qui doivent rendre des comptes et ne rester que le temps d'une "crise". Comme l'explique Pascal Dauvin, "la professionnalisation, qui est l'état de l'humanitaire aujourd'hui, a conduit à faire sauter la dichotomie qui existait entre d'un côté la question de l'urgence, et de l'autre la question du développement. A cette dichotomie, on a substitué un autre cadre cognitif qui est le terme de crise. Ce terme permet à des organisations qui avaient vocation à faire seulement de l'urgence d'être à la fois là avant l'urgence, pendant l'urgence et après l'urgence".

Références sonores

• Gaza : la faim tenaille le nord de l'enclave déchirée par la guerre, AFP, 27 février 2024
• Gaza : les habitants prennent tous les risques pour récupérer les colis d'aide humanitaire, Le Parisien, 28 mars 2024
• Archive INA : "Parti pris", Bernard Kouchner sur France Culture, 11 octobre 1977
• Interview de Philippe Lazzarini, RTS, 13 février 2024
• Archive INA : Céline Schmidt du Haut-Commissariat aux Réfugiés à Kiev, France Inter, 24 février 2023

Références musicales

• "Ethiopie" de Chanteurs sans Frontières
• "This Is Nowhere" de The Black Keys