Quentin Bataillon chez Cyril Hanouna : l'audience à tout prix ?

L'animateur Cyril Hanouna, lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2024 ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
L'animateur Cyril Hanouna, lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2024 ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
L'animateur Cyril Hanouna, lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 14 mars 2024 ©AFP - ALAIN JOCARD / AFP
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Quentin Bataillon, le président (Renaissance) de la Commission d'enquête sur la TNT, est venu répondre, sur la chaîne C8, à Cyril Hanouna... quelques jours après avoir auditionné l'animateur. Les critiques fusent.

Où est la place d’un député ? A l’Assemblée ou à la télé ? Mardi soir, Quentin Bataillon était l’invité de Touche pas à mon poste, sur C8. Il n’est pas le premier, et sûrement pas le dernier – l’émission est populaire. Mais ce député Renaissance n’est pas n’importe quel élu. Il préside la Commission d’enquête sur la TNT, qui n’a pas encore rendu son rapport. Voyez-vous le problème ?

Il y a quelques jours, à l’Assemblée, Quentin Bataillon auditionnait Cyril Hanouna. Mardi soir, ils ont inversé donc les rôles - chacun son tour. Cyril Hanouna a reçu Quentin Bataillon, en direct et en public, sur la chaîne de Vincent Bolloré, sous les rires et les compliments des chroniqueurs. Après l’audition, l’audience ! L’audience télé, bien sûr.

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Bons points et mauvais points

Sur le plateau, le député est à l’aise. Il étrille un de ses collègues, le député insoumis Aurélien Saintoul, qui est le rapporteur de la commission. Sur C8, il critique aussi Yann Barthès, l’animateur de TMC... la concurrente de C8. Mais il félicite Cyril Hanouna pour son respect du pluralisme. En direct, l’élu accepte même un cadeau : un tee-shirt qui se moque de la commission d’enquête, de son travail. Tout est normal.

Alors oui, les critiques pleuvent, évidemment ! La gauche demande la démission du président de la commission. Les députés de la majorité sont très gênés. Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée appelle Quentin Bataillon à la "réserve". Un soutien, tout de même : celui de Sébastien Chenu, vice-président de l’Assemblée, un des principaux dirigeants du Rassemblement national.

Joueur ou arbitre ?

A l'Assemblée, dans les commissions d'enquête, un usage domine : le silence, jusqu’à la publication du rapport. Un usage, mais pas de règle écrite. Le député Bataillon estime qu’il avait le droit d’être là, que sa parole est libre. Les auditions étaient terminées. L'élu voulait expliquer son travail. Et après tout, quand la commission a siégé, le rapporteur, Aurélien Saintoul, n’a pas caché, lui, son hostilité aux chaînes de Vincent Bolloré. Le président, adversaire politique du rapporteur, peut bien dire ce qu’il veut.

Mais quelle image donne-t-il de sa fonction ? Il préside une commission d’enquête, dans un cadre officiel. Rappelons le contexte : l’attribution des chaînes de la TNT ; l'empire médiatique de Vincent Bolloré, si controversé ; sa vision du monde. Et surtout les sanctions infligées à la chaîne C8, pour des dérapages réguliers dans l’émission : plus de 7 millions d’euros, déjà. Le député pouvait-il l’ignorer ? Quand il vient féliciter Cyril Hanouna, quand il vient critiquer ses concurrents, à quoi joue-t-il ? Imaginez une partie de tennis. L’arbitre descend de sa chaise. Il prend une raquette et il entre dans le match. Sauf que là, le terrain, c’est la démocratie.

Une grande confusion

Quel est l’enjeu ? La réattribution des canaux de la TNT, pour l’année prochaine : les chaînes prolongées, les chaînes écartées. Qui va faire ce choix ? Pas les députés... L’ARCOM, le gendarme du secteur. Cette petite polémique ne change donc pas la donne. Mais elle révèle une immense confusion, sur le rôle des uns et des autres - les animateurs, les journalistes, les élus. Qui contrôle qui ? Qui rit avec qui ? Qui est le maître du jeu ?

Cette émission, Touche pas à mon poste, a du succès, et les politiques sont fascinés. Ils savent que le programme pose des problèmes, ils savent que la chaîne a été sanctionnée. Mais beaucoup acceptent quand même ses invitations, y compris ceux qui critiquent Vincent Bolloré, y compris certains députés insoumis. Pour ces politiques-là, l’émission est irrésistible, comme un pot de confiture ou une tablette de chocolat… Y goûter ? C’est leur droit. Mais attention à l’indigestion.

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