Albert Londres a légué son nom au prix le plus prestigieux du journalisme français. Mais derrière le mythe du grand reporter redresseur de torts se cache un homme qui donne à voir ses contradictions autant que celles du monde.
- Pierre Assouline Ecrivain, journaliste
- Hervé Brusini Journaliste, président du prix Albert Londres
- Johanna Cappi Docteure en sciences de l'information et de la communication de Sorbonne-Université/Celsa, enseignante et chercheuse à l'Institut français de presse à Panthéon-Assas Université
- Sophie Desmoulin Chercheuse en science de la littérature
- Marie De Colombel Présidente de l’association de la Maison Albert Londres à Vichy
Albert Londres est homme de regard. Ce natif de Vichy, se rêvant poète, a voulu voir le monde. De la Russie à la Chine en passant par le Viêtnam, la Syrie, la Palestine, le Japon ou l’Argentine, ce grand reporter n’a cessé de repousser la ligne d’horizon de ses lecteurs français. Insatiable flâneur, il recherche sans fin à plonger dans l’inconnu. "Au début, tout est neuf, dit-il. Après deux mois, tout devient du déjà-vu."
Alors, il va fouiller ailleurs, dans les angles aveugles de la société française : du bagne de Cayenne aux prisons militaires d’Afrique du Nord, en passant par les hôpitaux psychiatriques de l’hexagone et par les nouveaux camps d’esclaves en Afrique subsaharienne. Il veut exposer ce qu’il se passe derrière les murs où l’on refoule ce que l’on ne veut pas montrer : l’injustice, la violence, l’inhumanité.
C’est un incendie qui le révèle, celui de la cathédrale de Reims bombardée par les Allemands le 21 septembre 1914. Et c’est dans un autre incendie qu’il disparait à peine 18 ans plus tard. En pleine nuit, le 16 mai 1932, lorsque le Georges Philipar, un paquebot avec presque mille personnes à son bord, sombre dans la mer Rouge, emporté par un violent incendie. Une fin tragique et mystérieuse qui renforce la légende et fixe pour l’éternité son image de reporter redresseur de torts, la quarantaine fatiguée, coiffé d’un chapeau de feutre, la barbe noire taillé et le regard mélancolique.
Entre ces drames, Albert Londres a incarné avec brio une forme de journalisme exigeante, entre subjectivité sensible, déontologie farouche et dénonciation engagée. Dans ses livres et ses centaines d’articles, il offre aux lecteurs la possibilité de contempler le réel à partir de sa perspective. Au lieu de s’effacer dans ses écrits, le journaliste n’a cessé de se mettre en scène au cœur des événements, cherchant l’information, analysant, contextualisant, échouant.
Car Albert Londres n’est pas seulement l’homme à la plume acérée qui a donné son nom au prix de journalisme le plus prestigieux de France. Premier personnage de ses récits, il est un homme du début du 20e siècle qui se regarde lui-même avec clairvoyance, sans cacher au lecteur ses faiblesses et ses contradictions. Un modèle de journalisme lucide et éclairé.
Bibliographie sélective
Par Albert Londres :
- Œuvres complètes (Arléa, 2007)
- Câbles & Reportages (Arléa, réédition 2007)
Autres auteurs :
- Albert Londres. Vie et mort d’un grand reporter (1884-1932), Pierre Assouline (Balland, 1989. Gallimard, 1990)
- Albert Londres et la photographie, Hervé Brusini (Le Bec en l'air, 2023)
- Les journalistes en France (1880-1950). Naissance d’une profession, Christian Delporte (Seuil, 1999)
- Albert Londres. La Plume dans la plaie, Benoit Heimermann (Paulsen, 2020)
- Albert Londres, Terminus Gardafui, Bernard Cahier (Arléa, 2012)
- Thèse de Johanna Cappi, Le grand reportage : formes historiques, littéraires et médiatiques de l’enquête - Les exemples d’Albert Londres et de ses successeurs (2023)
- Thèse de Sophie Desmoulin, Albert Londres et le grand reportage : autopsie d’un mythe (2014)
Archives Ina
- Florise Londres interviewée par Jean Perrigault dans Union Française : magazine de la France d'Outre-Mer (RTF, 24 août 1951)
Archives d'Albert Londres
- Archives Nationales, Fond Albert Londres, 76AS
- Archives du Prix Albert Londres, Maison Albert Londres
Lecture des textes (extraits) par Emil Abossolo Mbo
Extraits de : Faiseuse d’ange (L’âme qui vibre, 1908) - La responsabilité est sur nous (Le chemin de Buenos Aires, 1927) - De l’armée de Sarrail à l’armée de Pétain (Le Petit Journal, 1917) - De l’Angoisse sur Deux-Villes (Le Matin, 1915) - Les Japonais ne connaissent pas du tout les Européens. Les Européens ne connaissent pas davantage les Japonais (Au Japon, 1922) - Une journée assez curieuse à Pékin (La Chine en Folie, 1922) - Les Voilà ! (Le Juif Errant est arrivé, 1929) - La forêt qui parle (Terre d’ébène, 1927) - La route numéro 0 (Au Bagne, 1923) - Avant-Propos (Terre d’ébène, 1927).
Musique
- La belle (paroles d’Albert Londres), interprétée par Lucienne Boyer - Poliedrico, Bruno Nicolai - Vexations, Erik Satie - Dans Histoire du tango, Bordel 1900, Astor Piazzolla - Ça n’vaut pas, Maurice Chevalier - Incontri (œuvre pour 24 instruments) et Fragmente stille an diotima, Luigi Nono - Violon sérénade, Roger Damin et son ensemble (accordéon) - Valse Chinoise, Swing 39 - Le chemin vers Izumo, Reizan Ifuji - Cette nuit la vie, Song Xiping - Free from the b et Fall asleep for me, Biosphere - Rising mist, Eliza bagg - Clairvaux, Lydia Kilian.
Remerciements
- Merci aux équipes de France bleu Limousin et au Prix Albert Londres
- Merci également à Magalie Lacousse et aux Archives nationales
Générique
Un documentaire d'Antoine Tricot, réalisé par Somany Na. Prises de son, Christophe Papon et Nicolas Bonnet. Mixage, Dhofar Guérid. Coordination, Christine Bernard. Documentaliste Ina, Inès Barja. Documentation, Eva Karagatcheff. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.
L'équipe
- Coordination
- Production déléguée
- Réalisation
- Attaché(e) de production