En toute impunité : épisode • 2/4 du podcast Féminicides, la guerre mondiale contre les femmes

Paris, 2021. Photographie - Christelle Taraud
Paris, 2021. Photographie - Christelle Taraud
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Les hommes tuent les femmes parce qu’ils le peuvent : les États, la justice, la police, les médias les y autorisent. De la banalisation des féminicides en “crimes passionnels” à leur justification comme “crimes d’honneur”, c’est une société entière qui est coupable.

Garantir la vie des femmes, de rendre la justice, de prévenir et d’éradiquer la violence qui en est à l’origine.
Ainsi, les hommes tuent les femmes parce qu’ils y sont autorisés Le féminicide n'est pas un crime isolé, interpersonnel ou spontané. Il est en fait rarement le fait d'un fou ou d'un marginal, il est le plus souvent l'expression extrême de la norme. Dire qu’il s’agit de monstres revient à dire qu’il n’y a plus personne à blâmer et que nous n’aurions plus besoin d’examiner les normes sociales, les institutions, les idéologies, pour y trouver les causes profondes du meurtre sexuel.
Quand la police qualifie une tentative de féminicide de "dispute conjugale", elle tue les femmes. Quand la justice classe sans suite ("cold case") des disparitions de femmes, arrêtant ainsi les recherches des coupables, elle tue les femmes. Quand les médias s’amusent du meurtre d’une femme "parce qu’il y avait des grumeaux dans la pâte à crêpe" ou le justifie sur l’autel de la passion, ils tuent les femmes. Car "le manque de langage nous condamne et nous empêche" (Cristina Rivera Garza).

Quand Alexia Daval est retrouvée morte et que l’on préfère croire au mythe du “bon père de famille”, on tue des femmes, comme l’explique Rose Lamy : “On a voulu collectivement croire aux contes de fées, à l'existence des rôdeurs qui tuent des joggeuses dans l'espace public plutôt que de regarder la réalité en face qui était qu'on était dans un cadre de féminicide très classique. Ces représentations perpétuent l'idée que les femmes sont en danger dans l'espace public, qu'elles devraient moins sortir, rester dans la cellule familiale, l'endroit qui statistiquement est le plus violent”.

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Si les chiffres des féminicides ne baissent pas, c'est parce que le féminicide reste l’outil le plus efficace du système patriarcal pour maintenir une forme de contrôle social et politique. D’ailleurs, Nicolas Debaillie, dont la sœur a été victime d’un féminicide s’interroge sur le rôle des hommes : “C'est bien les hommes qui tuent donc c'est un problème d'hommes. Je ne comprends pas pourquoi aussi peu d'hommes prennent la parole, même dans les familles de victimes, les frères, les pères. Pourquoi on les entend si peu ? Dans la plupart des féminicides, comme dans le cas de ma sœur, il y a des anomalies à pointer. Il faut donc que les hommes prennent la parole, c’est une façon de se désolidariser complètement de ces meurtriers. Parce que comment est interprété le silence sinon ?

Le Temps du débat
44 min
Le Cours de l'histoire
58 min

Un documentaire de Pauline Chanu , réalisé par Marie Plaçais , avec la collaboration Ilaria Castagna

Avec :

  • Ombeline Mahuzier, magistrate et présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar
  • Jane Caputi, historienne étasunienne, autrice avec Diana Russell de Femicide : sexist terrorism against women, et The age of sex crime
  • Rose Lamy*, autrice de En bons pères de famille et de Préparez-vous pour la bagarre (JC Lattès)*
  • Chowra Makaremi*, anthropologue, autrice de Femme, vie, liberté ! Échos d’un soulèvement révolutionnaire en Iran (Éditions la Découverte)*
  • Yaël Mellul*, ancienne avocate et présidente de l'association Femme&Libre*
  • et le témoignage de Nicolas Debaillie

Merci à : Anna Pheulpin, Mathilde Thon Fourcarde, Maïwenn Guiziou, Marianne Barnel, Julia Odilavoni, Sarah Schlitz et Frédéric Chauvaud et Lydie Bodiou, Lucie fournié et l’Association Féministe Transnationale, Sandrine Bouchait, Célia Lévy et Diane Richard de Nous toutes.

Lectures : Valérie Dashwood - Mixage : Manuel Couturier

Bibliographie :

  • Féminicides : une histoire mondiale, ouvrage collectif dirigé par Christelle Taraud, La Découverte
  • Althusser assassin, Francis Dupuis-Déri, éditions Remue-Ménage
  • The age of sex crime, Jane Caputi, Women’s press
  • Memorial Drive, Natasha Trethewey, Éditions de l’Olivier
  • Femme ! Vie ! Liberté, Chowra Makaremi, éditions la Découverte
  • La robe blanche, Nathalie Léger, éditions POL
  • En bons pères de famille, Rose Lamy, éditions JC Lattès Nouveaux jours
  • L’invincible été de Liliana, Cristina Rivera Garza, éditions Globe
  • Nommer le féminicide, Diana Russel, et Jill Radford, préfacé par Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud, éditions PUR
  • On tue une femme, sous la direction de Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud, éditions Hermann
  • Les archives du féminicide sous la direction de Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud, éditions Hermann
  • Verdicts, Lida Youssoupova, éditions Zoème
  • Pour en finir avec la passion amoureuse. L’abus en littérature, Elodie Pinel, Marie-Pierre Tachet, Sarah Delale, éditions Amsterdam
  • La volonté de changer, Les hommes, la masculinité et l’amour, bell hooks, Éditions Divergences

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