Immigration dans l'UE : une géographie des flux

Partout en Europe les partis d’extrême droite anti-immigration montent dans les sondages.

Ils sont au pouvoir en Hongrie et en Italie ; aux Pays-Bas, l’extrême droite de Geert Wilders est arrivée en tête aux élections législatives de novembre 2023 ; en Finlande, en Slovaquie et en Suède, l’extrême droite fait partie des coalitions au pouvoir ; au Portugal, le parti Chega d’André Ventura est devenu une force incontournable au Parlement, au point de rendre difficile au Premier Ministre de droite, Luís Montenegro, de trouver une majorité de gouvernement ; Et dans de nombreux autres pays, les idées anti-immigration sont très présentes, notamment en France et en Allemagne. Pourquoi ? et pourquoi maintenant ? Ce sujet va-t-il beaucoup peser dans les urnes le 9 juin prochain ?

Il nous a semblé utile de faire un point sur ce thème, dans la perspective des élections européennes.

Avec : François Héran, sociologue, anthropologue, démographe, titulaire de la chaire “Migrations et sociétés” au Collège de France. Il a dirigé la division des enquêtes et études démographiques de l’INSEE de 1993 à 1998 et a publié de nombreux ouvrages sur la question, dont  Immigration : le grand déni, paru aux éditions du Seuil (2023).

La carte du territoire

"Cette carte représente le nombre absolu de demandes d'asile représentées sur chaque pays par une trame de couleurs progressives, du moins dense au plus dense. On voit que l'Allemagne a le plus grand nombre de demandes d'asile, la France a l'air d'être juste en dessous, puis l'Espagne, la Suède, l'Italie[…]. Or les chiffres que mentionne une telle carte ne veulent rien dire, car il faut, pour pouvoir comparer la pression qui s'exerce sur chaque pays européen, souligne François Héran, rapporter ces chiffres à la population. Pour 10 000 habitants, pour 1 000 habitants, peu importe la référence, quelle est l'intensité de la pression ? Certes, nous recevons beaucoup de demandes, parce que nous sommes un grand pays, et donc les chiffres absolus en imposent à bon compte. Mais dans le débat politique, je plaide, poursuit-il, pour qu'on mobilise des chiffres relatifs. Pendant l’épidémie de Covid-19, on a eu des leçons de statistiques extraordinaires : 4 ou 5 journalistes, chaque jour, nous donnaient la progression de la pandémie. Et il s’agissait toujours de chiffres relatifs, pour comparer les départements, comparer les pays. On ne peut pas imaginer que dans le domaine de la santé publique, on n'utilise pas des chiffres relatifs. Eh bien, dans le domaine de la migration, qui pose techniquement exactement le même problème, il est absolument scandaleux que débat public roule la plupart du temps sur des chiffres absolus, alors que les comparaisons devraient se faire logiquement en chiffres relatifs."

Retrouvez la carte du territoire dès le mardi sur @Mgarrigou et le réseau social Bluesky