Cuba : le modèle voit rouge : épisode • 1/3 du podcast Des économies communistes

Des centaines de cubain.e.s font la queue pour tenter de se fournir en essence. ©AFP
Des centaines de cubain.e.s font la queue pour tenter de se fournir en essence. ©AFP
Des centaines de cubain.e.s font la queue pour tenter de se fournir en essence. ©AFP
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L'île traverse l'une des pires crises économiques de son histoire. Coupures d’électricité, pénuries d’essence et de nourriture sont devenues le quotidien de la population cubaine.

Avec
  • Blandine Destremeau Sociologue, directrice de recherche au CNRS, membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux et chercheuse associée au Creda
  • Célia Himelfarb Economiste, professeure invitée à l’'Institut des Hautes Études de l'Amérique, rattaché à l’Université Sorbonne Nouvelle

Si l’on connaît bien l’embargo imposé par les États-Unis sur Cuba depuis 1962 et qui, d’après les estimations de l’Organisation des Nations unies (ONU), a représenté 154 milliards de dollars (142 milliards d’euros) de dommages économiques pour le pays, la plus grande île des Antilles traverse aujourd’hui l’une des pires crises économiques de son histoire, et celle-ci ne saurait être expliquée par ce simple facteur.

À la lourde histoire de Cuba s’ajoutent les conséquences de la pandémie de Covid-19, elle-même renforcée par le durcissement des sanctions infligées par Donald Trump pendant son mandat et marquant une rupture avec l’accalmie de la présidence Obama. Fortement dépendante des importations, la population cubaine fait désormais quotidiennement face aux coupures d’électricité, aux pénuries d’essence et au rationnement de la nourriture.

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L’inflation sur les denrées alimentaires et le carburant ne fait qu’augmenter : le tourisme, premier secteur d’activité du pays, est en berne ; la raréfaction du soutien de la diaspora cubaine se fait aussi ressentir, puisqu’elle représentait jusqu’au retour des sanctions américaines plusieurs milliards de dollars de transactions par an, Célia Himelfarb nous rappelle que "les aides extérieures à Cuba ont diminué drastiquement ces dernières années. Les sanctions américaines ont restreint les possibilités d’envoi d’argent vers l’île, alors même que les transactions en provenance de la diaspora cubaine représentent la première source d’entrée de devises dans le pays (jusqu’à 5 milliards par an). En outre, les restrictions de visa et l’inscription du pays sur le registre des pays soutenant le terrorisme ont divisé le tourisme par deux : juste avant le Covid, dans la lignée de l’ère faste d’Obama, près de 5 millions de touristes se rendaient à Cuba. On se situe autour de 2.5 millions aujourd’hui". Les infrastructures, les logements, les systèmes d’approvisionnement dysfonctionnels incitent de plus en plus de Cubains à émigrer, provoquant une fuite de 5% de la population totale et 10% de la population active depuis 2022. Face à la dégradation des dépenses publiques, le gouvernement a annoncé en décembre dernier vouloir mettre en place un plan de réduction des dépenses sociales : cette annonce suit un semblant de mouvement de libéralisation qui semble s’opérer au sein de la politique économique cubaine depuis l’élection de Miguel Diaz-Canel, censée marquer durablement la fin du castrisme.

Mais les échecs politiques répétés du gouvernement et la dégradation manifeste de la situation économique ne font que susciter la colère de la population, qui recommence (à l’instar des manifestations violentes de juillet 2021) à se manifester dans les rues. Désormais isolée et forcée de recourir au programme d’aide alimentaire mondiale, Cuba semble s’engouffrer dans une impasse politique et sociale dévastatrice pour sa population, Blandine Destremau ajoute "la crise a pris une telle mesure principalement du fait des forts mouvements de migrations qu’elle a provoqués. La fuite de la population laborieuse a provoqué une forte pénurie de main-d'œuvre dans l’administration et les services. En outre, les cubains qui ont fui l’île sont des adultes et des jeunes adultes, qui laissent derrière eux des personnes âgées qui coûtent cher à l’Etat en pensions et en dépenses de santé. Enfin, la fuite de la population cubaine n’est pas seulement coûteuse parce qu’elle est massive, mais aussi parce que ceux qui partent sont aussi ceux qui ont les meilleurs diplômes et travaillent dans les secteurs les plus stratégiques comme l'éducation, la santé ou la haute administration".

Pour aller plus loin

  • Blandine Destremau : Vieillir sous la révolution cubaine : une ethnographie (éditions de l’Institut des hautes études de l'Amérique latine, 2021
  • Blandine Destrmau : Aging and Generations in Cuba. Unravelling the Care Crisis, Lexington Series on Cuba, (Rowman and Littlefield, 2023)
Le Cours de l'histoire
58 min

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