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Le Docteur Tribillac dans son cabinet à Dieppe - Leila Djitli
Le Docteur Tribillac dans son cabinet à Dieppe - Leila Djitli
Le Docteur Tribillac dans son cabinet à Dieppe - Leila Djitli
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Installé depuis trente ans dans un quartier populaire de Dieppe, le docteur Dominique Tribillac est dans le collimateur de la Sécurité sociale. On lui reproche de délivrer trop d’arrêts de travail. Leila Djitli est allée à sa rencontre.

Dominique Tribillac est médecin généraliste, installé dans le quartier du Val Druel à Dieppe, depuis près de 30 ans, "c’est un quartier défavorisé, mais je n’aime pas trop ce terme". Il se rappelle très bien pourquoi il a décidé de devenir médecin, "enfant, j'ai été très malade", "quand mon docteur arrivait tôt le matin, rien qu’en entendant son pas et la façon dont il ouvrait la porte, j’étais déjà mieux". À la sortie du lycée, Dominique se lance donc dans des études de médecine. Mais son arrivée à l’hôpital est très décevante, "moi, je m’attendais à rentrer en contact avec les gens, mais là, on déroulait juste des listes de questions, sans dire un mot de plus".

"J’ai organisé ma petite vie au service des gens d’ici"

Après quelques années d’errance, Dominique se décide tout de même à finir sa médecine, "j’ai commencé à faire des remplacements et je me suis retrouvé dans ce quartier, au Val Druel", "je me suis aperçu que j'avais un avantage formidable sur mon collègue de l'époque : moi, je savais ce qu'il y avait derrière les fenêtres, lui non". C’est en pensant à ses patients qu’il construit sa manière d’exercer la médecine, "mon boulot, c'est de garder la porte ouverte, par exemple pour les parents qui me ramènent leurs enfants dans l’urgence", "j’ai organisé ma petite vie au service des gens d’ici".

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Un jour, en juin 2023, Dominique reçoit un courrier de l’Assurance maladie, "on me reproche de faire 2.8 fois plus d’arrêts que la moyenne de mes confrères d’exercice comparable", "on exige que je fasse 20 % en moins". Le médecin ne se laisse pas faire et il obtient l’abandon de cette mesure contraignante. Mais, la commission qui l’a entendu ordonne tout de même qu’il joigne une fiche de renseignements médicaux à chaque arrêt accordé. Dominique refuse, "on me dit que dans ce cas mes patients ne vont plus toucher leurs indemnités journalières", "j’ai dit très bien, à ce moment-là, c’est moi qui leur avancerai jusqu'à ce que vous soyez moins bêtes".

"Ce n’est pas aux plus défavorisés de payer les pots cassés de l’augmentation du nombre et de la durée des arrêts maladies"

Le docteur Tribillac distribue ainsi presque 1500 € d’indemnités journalières d’arrêt maladie à ses patients, "ce n’est pas aux plus défavorisés de payer les pots cassés de l’augmentation du nombre et de la durée des arrêts maladies". Pour Dominique, si les indemnités journalières augmentent, c'est parce que le nombre de spécialistes diminue, "je me retrouve avec des arrêts bien plus longs qu’autrefois", "si j’ai un patient qui se fait opérer du pied, que je vois qu’il ne se remet pas bien, mais que son prochain rendez-vous est dans un mois, je ne peux plus l’avancer, le patient doit attendre, donc je suis obligé d’allonger l’arrêt".

Le médecin reçoit Séverine, une patiente qu’il suit depuis presque 30 ans. Séverine raconte la dégradation de son état de santé, sa discopathie sévère, sa géode à l’épaule, sa tendinopathie, qui l’empêchent de retourner travailler et justifient son arrêt maladie, dans l’attente de la validation de son dossier MDPH. Jusqu’au jour où l’Assurance maladie suspend les paiements de ses indemnités. Pendant 22 jours, Séverine ne reçoit plus rien, "j’espère que la sécu va s’apercevoir qu’on marche sur la tête", "c’est un cercle vicieux, entre la baisse des indemnités journalières, des médecins, des chirurgiens, comment on fait ?".

  • Reportage : Leila Djitli
  • Réalisation : Clémence Gross

Merci à Dominique Tribillac.

Musique de fin - Stay (Just A Little Bit More), The Dø

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