L'économie selon Svetlana Alexievitch : épisode • 103 du podcast L'économie selon...

66e anniversaire de la Révolution russe sur la Place Rouge à Moscou, en ex-URSS, 07/11/1938 ©Getty - Mikki Ansin / Contributeur
66e anniversaire de la Révolution russe sur la Place Rouge à Moscou, en ex-URSS, 07/11/1938 ©Getty - Mikki Ansin / Contributeur
66e anniversaire de la Révolution russe sur la Place Rouge à Moscou, en ex-URSS, 07/11/1938 ©Getty - Mikki Ansin / Contributeur
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En quoi les récits de Svetlana Alexievitch témoignent-ils du désenchantement des Soviétiques et de l'avènement du capitalisme en Russie ?

Avec
  • Galia Ackerman Journaliste, historienne, spécialiste du monde russe
  • Françoise Daucé Directrice de recherche à l’EHESS, directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)

Dans les témoignages saisissants récoltés par Svetlana Alexievitch - prix Nobel de littérature en 2015 - notamment dans La Fin de l'homme rouge et La Supplication, les thématiques économiques se révèlent comme des fils conducteurs cruciaux, tissant l'étoffe complexe de la société post-soviétique. À travers ces récits intimes, Alexievitch dépeint les réalités économiques implacables qui ont émergé après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. Elle met en lumière la pauvreté généralisée, l’ouverture à l’économie de marché et les luttes désespérées pour subsister dans un environnement économique instable face à l’arrivée de nouveaux biens de consommation. Cette approche immersive permet de saisir les défis socio-économiques auxquels ont été confrontés les individus, le libéralisme à la russe se transformant rapidement en capitalisme accapareur dirigé par les oligarques.

Svetlana Alexievitch explore ainsi les inégalités économiques grandissantes qui ont émergé dans la société post-soviétique. Elle examine non seulement cette fracture économique mais également la désillusion dont elle recèle, teintée d’une nostalgie pour le passé communiste. À travers les expériences personnelles poignantes, Svetlana Alexievitch offre une perspective éclairante sur les conséquences humaines de la transition économique en Union soviétique, des années 1990 et 2010.

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Le recueil de témoignages La guerre n'a pas un visage de femme, paraît en 1985. La même année, Gorbatchev arrive au pouvoir et met en place un programme de réformes - la perestroïka. Selon Françoise Daucé la perestroïka "passe par une volonté de redonner plus de liberté aux acteurs économiques, notamment en autorisant la création de coopératives qui sont des premières firmes qui ne sont ni semi-privées ni semi-publiques mais qui sont autonomes par rapport à l'État." Toutefois, la perestroïka débouche sur une crise économique, comme le relate Svetlana Alexievitch dans La fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement - dont le titre russe est Seconde Main, "comme si on revivait une deuxième fois ce qu'il s'était déjà produit une fois" note Galia Ackerman - un recueil qui unit la parole de ceux qui ont vécu l'effondrement de l'URSS et le basculement de l'ancien empire communiste dans l'âge capitaliste.

Si la perestroïka n'a pas eu les effets escomptés dans les années 1980, c'est à cause de la chute du prix du pétrole, mais aussi en raison du coût faramineux que représente la décontamination du site de Tchernobyl après l'explosion de la centrale en 1986. Et Galia Ackerman de relever que la catastrophe de Tchernobyl a durement frappé Moscou : "pendant des années, 20% du budget de l'Union soviétique est alloué aux travaux de décontamination de ces territoires où vivaient 8 à 9 millions d'habitants. C'est un lourd coût car il y avait un million d'hommes, dont très peu de femmes parmi les liquidateurs, et on triplait leurs salaires, ils avaient des primes et un meilleur ravitaillement alors qu'ils ne produisaient plus rien."

Pour aller plus loin

  • Svetlana Alexievitch : La Fin de l'homme rouge, ou le temps du désenchantement, traduit du russe par Sophie Benech (Actes sud, 2013)
  • Svetlana Alexievitch : La supplication. Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain (Actes Sud, 2016)
  • Françoise Daucé avec Alain Blum, Marc Elie, Isabelle Ohayon : L'âge soviétique, Une traversée de l'Empire russe au monde postsoviétique (Armand Colin, 2021)
  • Françoise Daucé : La Russie postsoviétique (La découverte, 2019)
  • Galia Ackerman : Le livre noir de Poutine (Robert Laffont, 2022)

Références sonores

Référence musicale

  • Molchat Doma, Sudno (2019)
Fictions / Théâtre et Cie

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