Jeudi 25 avril 1974, la nuit tombe sur Lisbonne au moment où cette chanson, la “Grândola vila morena”, retentit sur les ondes de la Radio Renascença. Elle est un signal : elle vient déclencher la révolution des œillets qui met fin à la plus vieille dictature d’Europe.
- Yves Léonard Historien, enseignant à Sciences Po Paris, membre du Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP), spécialiste du Portugal
Cinquante ans après, l’heure est aux commémorations. Les débats historiographiques et mémoriels n’ont pas épargné le Portugal et cette révolution n’est pas tout à fait consensuelle. À l’heure où les dernières élections législatives ont affiché des scores records pour l’extrême droite, comment le demi-siècle de la révolution est-il célébré aujourd’hui ?
Une dictature atypique
Antonio de Oliveira Salazar fut l'architecte du régime dictatorial portugais. Yves Léonard, historien, enseignant à Sciences Po Paris, membre du Centre d’histoire de Sciences Po et auteur de Salazar, le dictateur énigmatique (éd. Perrin, avril 2024), revient sur son régime qu’il qualifie d’atypique : “Salazar est un universitaire, il n’a jamais porté l’uniforme. Il va être porté au pouvoir par des militaires qui, eux, ont fait un coup d'État en 1926. Il devient ministre des Finances, puis président du Conseil, et il met en place l'État nouveau (Estado Novo), une dictature implacable, privative des libertés publiques, avec une censure très présente et une police politique omniprésente”. Malgré sa renommée internationale, Salazar va se révéler incapable de procéder à une décolonisation dans les années 1960. Pour l’historien, “c'est ce qui va en grande partie déclencher la révolution des œillets, ce coup d'État du 25 avril 1974”, quatre ans après la mort du dictateur.
Un renversement politique en une journée
Cette révolution des œillets est portée par des officiers intermédiaires ayant combattu au front durant les guerres coloniales. “Comme ils observent que le régime est incapable, après la mort de Salazar, de réformer et d'évoluer vers une solution négociée, ils vont avoir l'idée de se débarrasser de ce régime. Ils s'organisent pour préparer minutieusement un coup d'État au petit matin du jeudi 25 avril 1974, qui va devenir rapidement un mouvement populaire, avec un soutien du peuple dès le matin. Au soir du 25 avril, le gouvernement dictatorial a remis sa démission et une junte de salut national arrive devant les écrans de télévision et à la radio pour annoncer la mise en place d’une démocratie”. La transition s'apparente à la rupture d'une journée, elle sépare brutalement l'avant et de l'après. Yves Léonard ajoute : "la révolution des œillets a été un laboratoire d'expérimentation politique et a servi de modèle de réflexion, plus souvent pour dire ce qu'il ne fallait pas faire".
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