Emma Goldman en 1906 ©Getty - Chicago Sun-Times/Chicago Daily News collection/Chicago History Museum
Emma Goldman en 1906 ©Getty - Chicago Sun-Times/Chicago Daily News collection/Chicago History Museum
Emma Goldman en 1906 ©Getty - Chicago Sun-Times/Chicago Daily News collection/Chicago History Museum
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À une époque où le suffragisme gagne l’Europe et l’Amérique, mais où les organisations anarchistes restent profondément sexistes, Emma Goldman va penser la liberté des femmes de façon visionnaire.

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À l'image de l’anarchiste français Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), nombre de penseurs considéraient les femmes intellectuellement incapables. Si elle n’est pas courtisane, la femme ne pouvait qu'être une ménagère. Intarissable sur la liberté de tous, Proudhon l’était beaucoup moins sur la liberté de toutes. C'est parce qu'elle est la première à articuler un discours anarchiste en plein essor et une critique féministe encore en germe que la pensée d'Emma Goldman se distingue. Pour elle, sans liberté des femmes, personne n'est libre. Amour-libre, émancipation intérieure, droit à la jouissance : en plaçant ces questions au centre du débat, la théoricienne explore au passage ses propres contradictions.

Un contexte antiféministe

En cette fin de 19e siècle, l'idéologie du mouvement ouvrier, comme celle de l'ensemble des courants du socialisme parmi lesquels figurait l’anarchisme, est marqué par un discours antiféministe affirmé. Proudhon notamment s'emploie à démontrer l’infériorité des femmes tout au long d'un essai de 500 pages. Au sein des syndicats révolutionnaires comme dans d'autres organisations politiques pourtant progressistes, des résolutions sont prises pour exclure les femmes. L'immense majorité des révolutionnaires partage cette vision que, par nature, la femme est destinée à la maternité.

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À écouter

Pierre-Joseph Proudhon : "L'anarchie, c'est l'ordre"

Une vie, une oeuvre

59 min

Les femmes, perdantes dans tous les cas ?

Là où l'attendrait ardente défenseuse du droit de vote des femmes, Emma Goldman surprend. Sa position sur ce point est claire : la participation des femmes aux élections ne change rien à l'oppression qu'elles subissent, car leur vote ne va pas à des programmes politiques progressistes… Au contraire, Goldman observe que, tendanciellement, en cette fin du 19e siècle, les femmes sont plutôt conservatrices. Pour elle, la raison est qu'elles manquent d’éducation politique. De même, Goldman se montre critique vis-à-vis de la revendication de l’autonomie économique. Pour elle, revendiquer l'accès au salariat n'est pas en soi une solution d'émancipation : les femmes se retrouveront alors avec un emploi, mais qui ne les affranchira pas des tâches domestiques, la double peine en quelque sorte… Radicale, Goldman prône, au-delà de la question de la féminisation du personnel politique, l’abolition du système électoral, et l’abolition des structures qui fondent le capitalisme.

%C3%80%20lire%20aussi

Emma%20Goldman%2C%20vivre%20la%20R%C3%A9volution%20(1869-1940)

Références sonores

  • Lecture sur la prostitution, dans : L’anarchie et la question sexuelle, 1896, d'Emma Goldman, traduit par Léa Gauthier dans Lettres à l'amant et autres textes sur la difficulté d'aimer, de faire l'amour, et d'être libre, aux éditions Payot, lecture par Anaïs Ysebaert
  • Lecture sur la contradiction entre l'idéal de liberté et l'emprise amoureuse, dans une lettre d'Emma Goldman à Ben Reitman, le 13 décembre 1909, traduction par Léa Gauthier dans Lettres à l'amant et autres textes sur la difficulté d'aimer, de faire l'amour, et d'être libre, aux éditions Payot, lecture par Anaïs Ysebaert
  • Chanson de fin : Patti Smith, People have the power

Bibliographie

  • Francis Dupuis-Déri, Les Hommes et le féminisme : Faux amis, poseurs ou alliés ? Textuel
  • Emma Goldman, Vivre ma vie (traduit de l'anglais par Laure Batier et Jacqueline Reuss), L'Echappée, 2018
  • La liberté ou rien : contre l’État, le capitalisme et le patriarcat. Anthologie des textes d'Emma Goldman, réunis et commentés par Francis Dupuis-Déri (éditions Lux, 2021)
  • Irène Pereira, Le féminisme libertaire : des apports pour une société radicalement féministe, Le Cavalier Bleu

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