Jean Genet 1968 ©Getty - Louis MONIER/Gamma-Rapho
Jean Genet 1968 ©Getty - Louis MONIER/Gamma-Rapho
Jean Genet 1968 ©Getty - Louis MONIER/Gamma-Rapho
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Jean Genet a été condamné 11 fois pour vol entre 1937 et 1944, sans compter son passé de délinquant dès l'enfance. Placé à la colonie pénitentiaire de Mettray à 16 ans, il crée ses premiers romans en prison, appréciés par Jean Cocteau.

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Jean Genet, abandonné dès ses premiers mois de vie par une mère inconnue, a vu son existence marquée par le vol et la marginalité, accumulant onze condamnations entre 1937 et 1944, comme il le relate dans Journal du voleur. Sa délinquance trouve ses racines dès l’enfance, notamment lors de son placement en 1926 dans la colonie pénitentiaire de Mettray, où, malgré les tentatives de redressement, il multiplie les évasions. C’est durant ses incarcérations à la prison de la Santé et à Fresnes qu’il écrit ses premiers romans, censurés pour leur audace érotique, mais acclamés par l’intelligentsia parisienne, particulièrement Jean Cocteau. Ainsi, Genet transforme son vécu judiciaire et carcéral en une œuvre littéraire qui sublime les marges, comme en témoigne Notre-Dame-des-Fleurs.

Jean Genet : de l'exclusion sociale à la prison

Jean Genet a écrit depuis une position d’exclusion sociale, un exilé dès sa naissance, marqué par un passé difficile. Albert Dichy explique que "Genet est un enfant qui a été donc laissé à l’assistance publique par sa mère, qui était donc une mère célibataire qui l’a abandonné faute de ressources", et que "Genet apprend son état civil, il apprend le nom de sa mère au cours d’un procès". Cette scène est cruciale. "Le lieu à partir duquel il prend la parole (...) c'est la poubelle du monde", ainsi, "si Genet a été fidèle à quelque chose durant sa vie, c'est d'abord à ce lieu où il a été jeté dès la naissance". Selon Emmanuelle Lambert, "ce qui intéresse Genet dans son entreprise littéraire, ce n’est pas la biographie, c’est ce qu’il appelle la légende". L’œuvre de Genet, loin de chercher à retracer sa vie réelle, la "transfigure dans un certain nombre de lieux et dans un certain nombre de figures". Il trouve dans la prison un lieu fondateur, un espace où "la cellule est le lieu de la découverte du châtiment, du châtiment possible", mais aussi de la "découverte de la poésie". C’est dans cet environnement clos et d'exclusion que son imaginaire se déploie, créant une œuvre radicale et poétique. Emmanuelle Lambert ajoute que, "Genet a toujours dit qu’il avait découvert Ronsard quand il était à Mettray", rendant ainsi la prison le lieu de son expression créative.

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À écouter

Un Genet inédit

Le Regard culturel

3 min

L’écriture comme renversement du jugement

Jean Genet est un écrivain qui cherche à renverser les valeurs dominantes de son époque, notamment en inversant les rôles de criminel et de juge. Albert Dichy observe que "l’œuvre de Genet se présente comme un procès, mais c’est un procès, au fond, où il déplace les positions" du juge et du criminel.  Dans son premier livre, Notre-Dame des Fleurs "la première page s'ouvre sur une série de criminels que Genet décrit et il termine le paragraphe en disant 'c'est en l'honneur de leur crime que j'écris ce livre'". Genet ne cesse de remettre en question les fondements de la justice sociale. Emmanuelle Lambert souligne que "Genet regarde l’organisation sociale et (...) l’atomise de son regard". (...) Genet lui dénie toutes valeurs positives à ce système. Il le tourne en ridicule, notamment en glorifiant ceux qui normalement devraient être les plus réprouvés, c'est-à-dire les criminels les plus grands".

Pour en parler

Albert Dichy, Directeur littéraire de l’Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) où un fonds Genet a été constitué. Il est l'auteur de :

Emmanuelle Lambert, Écrivaine et commissaire d'exposition, elle a consacré sa thèse à l'œuvre théâtrale de Jean Genet. Elle est l'auteure de :

Références sonores

  • Jean Genet lisant un extrait du Journal du voleur (1949)
  • Entretiens de Jean Genet par Nigel Williams pour la BBC (1985)
  • Captation France Culture avec Bernadette Lafont et Sapho (20/01/2001) Jean Genet, Les Bonnes (1947)

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