Portrait de Jean Améry de 1978 ©Getty - Behr / ullstein bild
Portrait de Jean Améry de 1978 ©Getty - Behr / ullstein bild
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La philosophe Susan Neiman nous présente le penseur Jean Améry, auteur trop peu connu qui a décrit ce qu'Auschwitz a fait à l'esprit, mais qui a aussi donné la meilleure défense des Lumières au 20ᵉ siècle selon elle. Que peut la pensée face au mal ?

Avec
  • Susan Neiman, philosophe américaine

Susan Neiman considère Jean Améry, qu'elle tient à qualifier comme philosophe, comme un modèle d'écriture. "Il est difficile à décrire, et peut-être que la rudesse des thèmes qu'il aborde - les camps de concentration, la torture, le suicide, entre autres - en éloigne certains et explique qu'il soit si peu connu. Mais il pose un véritable défi à la philosophie, il appelle les penseurs à faire une 'cure de banalité' et rappelle que l'esprit ne peut pas tout. Par exemple, face au mal, il ne peut rien."

En effet, Jean Améry fait partie de ces philosophes qui considèrent qu'il ne faut pas essayer de comprendre le mal, car on risquerait de le justifier : il n'en donne donc aucune définition. "Si on veut lutter contre le mal dans le monde, au lieu de s'acharner à le définir, il faut se tourner vers les principes des Lumières", selon Susan Neiman.

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En finir avec Foucault ?

Cette conviction s'appuie sur la défense que fait Jean Améry des Lumières : "les Lumières exigent une forme d'auto-critique, mais cherchent aussi à identifier des vérités sur la manière dont fonctionne le monde, et à déterminer ce qui devrait être." Avec Améry, Susan Neiman critique le travail de Foucault, qui critiquait lui-même les Lumières, sans pour autant proposer d'alternative : "je ne demande pas aux philosophes de faire nécessairement des propositions concrètes, mais je pense que si nous ne sommes pas capables de proposer des orientations de la pensée au sens kantien, nous n'avons plus qu'à arrêter de faire notre travail."

"Heidegger est un charlatan, mais Foucault me rend dingue"

Susan Neiman déteste tellement Heidegger qu'elle a choisi de ne pas s'attarder sur son sort : elle préfère se pencher sur Surveiller et punir de Michel Foucault, qui a fait beaucoup de mal selon elle. "Il donne l'impression que la prison est pire que tous les châtiments barbares qui existaient avant. C'est comme si à chaque fois qu'on essayait d'améliorer un système ou une institution, on finissait toujours par empirer la situation. Il s'attaque directement à l'idée même de progrès."

Extraits sonores :

  • Archive de Jean Améry de l’été 1978, ZDF
  • Lecture par Nicolas Berger d'un extrait de Par-delà le crime et le châtiment, Essai pour surmonter l’insurmontable, 1966, “Aux frontières de l’esprit”, traduit de l'allemand par Françoise Wuilmart, pp.47-48
  • Lecture par Nicolas Berger d'un extrait de “Les Lumières comme philosophia perennis” de Jean Améry, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, allocution tenue en 1977, à l'occasion de la remise à Jean Améry du prix Lessing de la ville de Hambourg
  • Archive de Michel Foucault du 21 avril 1971, “Format 30”, Radio Canada
  • How I hate to see Christmas come around de Jimmy Witherspoon

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