Évrart de Conty, "Livre des échecs amoureux moralisés" ; Jacques Legrand, "Archiloge Sophie", 1496-1498. - Source : gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Français 143. folio 65v.
Évrart de Conty, "Livre des échecs amoureux moralisés" ; Jacques Legrand, "Archiloge Sophie", 1496-1498. - Source : gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Français 143. folio 65v.
Évrart de Conty, "Livre des échecs amoureux moralisés" ; Jacques Legrand, "Archiloge Sophie", 1496-1498. - Source : gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Français 143. folio 65v.
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La musique au Moyen Âge rythme et accompagne bien des événements, autant dans le monde profane que dans le monde religieux. Compositrices, interprètes, instrumentistes, chanteuses, les femmes ne sont pas en reste et participent à ces moments musicaux.

Avec
  • Anne Ibos-Augé, docteure en musicologie, chercheuse associée à l'IReMus à Sorbonne Université

Le monde musical médiéval nous semble aujourd'hui lointain. Les sonorités d’instruments comme la vièle, ancêtre du violon, la lyre ou le psaltérion, nous semblent étranges. D’autres, comme celles des trompettes, de la cornemuse, des flûtes ou des percussions, nous sont plus familières. Faute d’enregistrements, pour imaginer ce à quoi ressemblait la musique du Moyen Âge, aussi bien instrumentale que vocale, il faut s'en remettre à son imagination, à l’étude historique de la question, et à des expérimentations musicales actuelles.

La musique au Moyen Âge se transmet essentiellement à l’oral. Il existe néanmoins des systèmes de notation, uniquement pour la musique vocale. Ces notations ne sont pas encore très perfectionnées ni unifiées d’un endroit à l’autre, mais elles permettent de garder une trace de la musique jouée. Les partitions ne sont pas utilisées comme aide-mémoire pour jouer, car les musiciens et musiciennes jouent sans doute systématiquement par cœur. Cela complexifie d'ailleurs le travail des historiens et des historiennes, qui sont confrontés à la lacune des sources.

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La musique résonne dans bien des lieux et lors d’occasions très différentes au Moyen Âge. Elle rythme la vie quotidienne des moines et des moniales, qui prient et psalmodient en musique chaque jour, afin de glorifier Dieu et de lui offrir leur louange musicale. Du côté du monde profane, la musique retentit dans les rues, lors des fêtes, des foires, des jeux théâtraux, des processions. Elle peut aussi se pratiquer dans le milieu domestique pour accompagner le travail et pour se divertir. Dans les milieux curiaux et aristocratiques, la musique a une fonction essentiellement divertissante : elle est présente lors des tournois, des fêtes, des banquets, elle permet de danser et de célébrer des réjouissances. De ce fait, elle accompagne aussi souvent des événements officiels et politiques (traités de paix, entrées officielles, rencontres diplomatiques…). La musique est ainsi marquée d'enjeux de pouvoir et de symboles politiques, comme en témoigne l’intérêt, sincère et stratégique à la fois, de grands mécènes pour la création musicale. Certains de ces protecteurs et commanditaires, comme Marie de Champagne, sont des femmes.

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Dans toutes ces occasions musicales, les femmes sont présentes et sont même nombreuses. Dans le contexte religieux, hommes et femmes ne chantent pas ensemble, pour des raisons de bienséance, ce qui signifie donc que, dans les couvents féminins, la musique liturgique est entièrement assurée par des voix de femmes. La musique religieuse peut même être composée par des femmes, comme en atteste le cas d’Hildegarde de Bingen, abbesse mystique allemande qui fut une compositrice prolifique.

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Dans le contexte profane, il existe des musiciens et des musiciennes professionnels, les ménestrels et les ménestrelles, qui sont itinérants et qui gagnent leur vie en offrant des divertissements musicaux aux personnes fortunées. Les troubadours et troibaritz, en langue d’oc, et les trouvères et les trouveresses, en langue d’oïl, sont aussi des interprètes de musique et de poésie, mais ils appartiennent à des classes sociales plus privilégiées et instruites. Les trobairitz sont à la fois des poétesses, des compositrices et des interprètes polyvalentes, car, bien souvent, elles écrivent elles-mêmes des chansons qu’elles sont ensuite capables d'interpréter en s'accompagnant. La postérité a retenu la figure de la comtesse de Die, l’une des trobairitz les plus célèbres. L’une des chansons, avec à la fois le texte et la musique, ce qui est malheureusement rare, est parvenue jusqu'à nous.

Pour en savoir plus

Anne Ibos-Augé est docteure en musicologie, chercheuse associée à l'IReMus (Institut de recherche en musicologie, Sorbonne Université).

Ses publications :

  • Le Livre d’amoretes – Édition critique et étude musicologique, en collaboration avec Marie-Geneviève Grossel, Éditions Honoré Champion, en préparation
  • Les Femmes et la musique au Moyen Âge, Éditions du Cerf, 2024
  • Chanter et lire dans le récit médiéval. La fonction des insertions lyriques dans les œuvres narratives et didactiques d’oïl aux XIIIe et XIVe siècles, Éditions Peter Lang, 2010
  • Magie, féérie, sorcellerie. Actes du colloque international d’Amiens (13-15 mars 2019), dirigé en collaboration avec Danielle Buschinger et Mathieu Olivier

Références sonores

Archives INA :

  • Paul Zumthor, poète suisse, spécialiste des poétiques médiévales, France Culture, 4 juin 1980
  • Lecture d'un poème de la comtesse Béatrice de Die par Marguerite Perrin, "Analyse spectrale de l'Occident', RTF, 14 février 1959
  • Lecture d'un extrait du Jardin des délices (Hortus Deliciarum) d'Herrade de Landsberg, France Inter, 11 décembre 1970
  • Poème d'd'Hadewijch d'Anvers, "Analyse spectrale de l'Occident", RTF, 28 mars 1959
  • Stanislas Fumet, homme de lettres, résistant, à propos du terme "béguine", "Analyse spectrale de l'Occident", RTF, 28 mars 1959

Musique :

  • "O rubor sanguinis" d'Hildegarde de Bingen, interprété par l'ensemble Sequentia dirigé par Barbara Thornton
  • "Sol oritur occasus nescius Conduit" d'Herrade de Landsberg (ou Herrade Von Hohenburg), interprété par l'ensemble Discantus dirigé par Brigitte Lesne
  • "Cantigas de amigo : Ondas do mar de Vigo - pour voix et vihuela ou aulos" de Martin Codax, interprété par Vivabiancaluna Biffi et Pierre Hamon
  • "Tout dit" de Camille, 2011
  • Générique : "Gendèr" par Makoto San, 2020

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