Régis Jauffret : "Il y a des livres où j'aurais pu passer ma vie"

Régis Jauffret est né en 1955 à Marseille.  ©AFP - Joël SAGET
Régis Jauffret est né en 1955 à Marseille. ©AFP - Joël SAGET
Régis Jauffret est né en 1955 à Marseille. ©AFP - Joël SAGET
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Dans un entretien au long cours au micro d'Arnaud Laporte, l'écrivain Régis Jauffret revient sur son parcours personnel et son procédé créatif. Plongée dans l'imaginaire d'un auteur façonné par la cruelle réalité, et armé d'un intarissable humour.

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Depuis plus de trente ans, l'écrivain Régis Jauffret signe une oeuvre foisonnante, sans cesse renouvelée, perçant avec froideur et profondeur dans ce que la réalité de la condition humaine a de plus morbide, et de plus sincère. Travaillant le verbe avec passion, les romans de Jauffret posent leur regard les affres humaines qu'on se plaît à oublier, rappelant avec un humour jaillissant et impitoyable comme l'authentique est pathétique et magnifique à la fois. Le rire cruel et ému de celui qui voit, et qui ne saurait comment ne pas écrire après avoir vu. Au micro d'Arnaud Laporte, à l'occasion de la parution de son dernier roman Le dernier bain de Gustave Flaubert (Seuil), l'écrivain revient sur les étapes marquantes de son parcours, les spécificités de sa méthode de travail, et les inspirations de son imaginaire paraissant se refuser à toute limite.

Le cheminement en littérature de Régis Jauffret débute à ses 14 ans, lorsqu'il acquiert un exemplaire de La faute de l'abbé Mouret d'Emile Zola dans une librairie de la Canebière, dans sa ville natale de Marseille. Accompagné par l'oeuvre de Zola, Jauffret adolescent devient petit à petit un observateur détaché du quotidien, décelant l'absurde dans ce qui paraît anodin. A l'âge de 16 ans, il se lance dans l'écriture d'un roman pour décider finalement de le détruire, le jugeant inintéressant. Il faudra attendre qu'il atteigne les 29 ans, en 1985, pour qu'il publie son premier roman Seule au milieu d'elle, chez Denoël. 

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Passé furtivement dans le cinéma, en tenant le premier rôle du film Loup-Garou de Stéphane Lévy, sorti en 2004, Régis Jauffret en a également signé le scénario, lui dont la pratique de l'écriture se rapproche en certains points du jeu d'acteur et de l'incarnation d'un personnage. L'auteur a la capacité de se glisser dans la peau de personnages tout autres que lui, non seulement en écrivant à la première personne, mais aussi, souvent, avec un personnage principal féminin (Clémence Piquot, Sévère, Cannibales, Univers, univers, Promenade...). 

Ecrire, c'est être comme un acteur qui arrive sur scène sans avoir de texte. Il faut parler, parce qu'il y a des gens qui écoutent, qui sont là pour entendre.            
Régis Jauffret

Auteur particulièrement prolifique, Régis Jauffret se définit autant comme angoissé de manquer de temps pour écrire tous les livres qu'il aimerait, que comme un écrivain ne sachant pas faire autre chose, quelqu'un pour qui l'écriture est un bonheur dont il est inconcevable de se passer. 

La page blanche, c'est un problème de jeunesse. A un moment, est arrivée une sorte de plénitude de la l'écriture. Pourtant, je n'ai jamais l'impression que je vais être assez doué pour écrire le texte que je compte écrire. Si quelqu'un sait quels procédés d'écriture j'utilise, ça m'intéresse, car moi je ne sais pas. Seule l'expérience va me dire si je vais y arriver.      
Régis Jauffret

Un grand nombre de romans de Régis Jauffret s'inspirent de faits réels qui ont en commun de condenser la violence de la condition humaine. Entre autres, Claustria (Seuil, 2012) revient sur l'affaire Fritzl (un père ayant séquestré sa fille dans une cave 24 ans durant, lui ayant fait 7 enfants), La ballade de Rikers Island (Seuil, 2014) sur l'affaire DSK, Sévère (Seuil, 2010) raconte le meurtre du banquier Edouard Stern du point de vue de sa meurtrière. 

Le fait divers, c'est la nature de l'humanité même. C'est là où l'on trouve l'humain dans ce qu'il a de pire, là où l'on retrouve la tragédie. En poussant les choses à l'extrême, on peut dire que la religion chrétienne est fondée sur un fait divers : c'est quelqu'un qu'on crucifie par une sorte d'erreur judiciaire.    
Régis Jauffret

Sons diffusés pendant l'émission : 

  • Georges Perec lit un extrait de Je me souviens 
  • Extrait du film de Stéphane Levy Loup-Garou, dont Régis Jauffret a écrit le scénario et interprète le rôle principal

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