Patrick Chamoiseau, une voix dans la nuit

L'écrivain Patrick Chamoiseau pendant le festival "Etonnants Voyageurs" en 2011 à Saint Malo, France ©Getty - Raphael GAILLARDE/Gamma-Rapho
L'écrivain Patrick Chamoiseau pendant le festival "Etonnants Voyageurs" en 2011 à Saint Malo, France ©Getty - Raphael GAILLARDE/Gamma-Rapho
L'écrivain Patrick Chamoiseau pendant le festival "Etonnants Voyageurs" en 2011 à Saint Malo, France ©Getty - Raphael GAILLARDE/Gamma-Rapho
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Avec son nouvel essai "Le conteur, la nuit et le panier" (Seuil, 2021), Patrick Chamoiseau trace une réflexion autour de l'Ecrire, du conte et du choc esthétique. L'écrivain prolonge ainsi ses recherches sur l'oralité et la créolité.

Avec

Patrick Chamoiseau, prix Goncourt de littérature pour son roman Texaco, a fait de son œuvre littéraire une recherche constante entre l'oralité et l'écriture. D'essais en poèmes, de romans en contes, il fait émerger une langue qui intègre le monde. Dans son essai Le conteur, la nuit et le panier, il part à la recherche de la tradition des conteurs antillais disparue et interroge sous la forme d'énigmes initiales l'impératif de conter pendant la nuit, sous peine d'être transformé en panier au petit jour. 

C’est une loi : les cultures Antillaises et les cultures américaines qui naissent dans les plantations esclavagistes entrent dans un processus de réhumanisation pour résister à la déshumanisation qui est en train de se faire. La résistance la plus importante était celle des créateurs. (Patrick Chamoiseau)

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En effet, c'est la nuit que le danseur, le tambourier, le chanteur et finalement le conteur peuvent reprendre de la force, lorsque l'esclavagiste n'exerce plus sa domination sur ces corps meurtris. Ce point de départ permet de faire émerger une réflexion autour de la création, en abordant notamment les textes d'Aimé Césaire et d'Edouard Glissant. C'est dans leur sillage que Patrick Chamoiseau pense la création comme suivant un moment proche du chaos, un "choc esthétique". Césaire et Glissant abordent tous les deux la façon dont les esclaves, dans la cale du bateau, ont vécu un moment décisif qui les a déracinés, et qui les a forcé à radicalement changer leur vision du monde.

Quand on regarde l'immense créativité dans l'oralité créole, on se demande comment un vieil esclave se lève, prend la parole et commence à raconte des choses qui concernent la situation de ses congénères. C’est une sorte de parabole de la condition esclave et de contestation de l’ordre esclavagiste. Comment se fait-il qu’un vieil homme abîmé comme ça a pu donner naissance à une littérature où font apparaître Césaire, Glissant, Saint-John Perse ? (Patrick Chamoiseau)

Nous écrivons en face de toutes les langues du monde. Lorsqu’un écrivain contemporain se met devant la page blanche, sa page est remplie des rumeurs de toutes les langues du monde. Lorsqu'il écrivait, Joyce disait qu’il devait aller jusqu’au bout de l’anglais. C’est assez paradoxal de voir qu’une réalité de la plantation esclavagiste a précipité un grand littérateur dans une situation telle qu’il a eu une sorte de sursaut et l’intuition qu’il ne fallait pas désirer une langue mais toutes les langues possibles. (Patrick Chamoiseau)

Je suis un peu comme le conteur créole, je vis un état poétique alors le moment particulier entre la nuit et le jour, où la lune s’attarde est un moment éminemment poétique. La nature est encore très présente en Martinique même si elle a été abîmée.  (Patrick Chamoiseau)

Le paramètre le plus considérable dans la vie d’un écrivain c’est la question concernant la littérature : qu’est-ce que la littérature ? Qu’est-ce qu’un texte littéraire ? C’est un mystère renouvelé. A mesure que je produis des livres, cette production était plus dans le souci de mieux comprendre cette chose qui me fascinait, parce que j’étais un grand lecteur et j’ai eu de tels plaisirs et de tels élargissements en lisant que je me suis toujours dit qu’il y avait une puissance mystérieuse. (Patrick Chamoiseau)

La Grande table idées
32 min

Extraits sonores : 

  • Edouard Glissant / France Culture - A voix nue / 15.01.2002
  • Piers Faccini – Foghorn Calling 

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