Maroc : le pays d’étape devenu pays d’installation : épisode • 4/4 du podcast Migrations : les routes du Sud

La responsable d'un collectif de femmes migrantes au Maroc, Eouani Mambia Morelline, rend visite à ses voisins tout en portant un masque de protection dans la capitale marocaine Rabat, le 11 mai 2020.  ©AFP - FADEL SENNA
La responsable d'un collectif de femmes migrantes au Maroc, Eouani Mambia Morelline, rend visite à ses voisins tout en portant un masque de protection dans la capitale marocaine Rabat, le 11 mai 2020. ©AFP - FADEL SENNA
La responsable d'un collectif de femmes migrantes au Maroc, Eouani Mambia Morelline, rend visite à ses voisins tout en portant un masque de protection dans la capitale marocaine Rabat, le 11 mai 2020. ©AFP - FADEL SENNA
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Longtemps considéré comme un pays de transit pour les immigrés d'Afrique sub-saharienne désireux de rejoindre l'Europe, le Maroc se transforme peu à peu en pays d'accueil des étrangers qui viennent y tenter leur chance.

Avec
  • Mehdi Alioua Professeur Associé en Sociologie, directeur pédagogique de Sciences Po Rabat, titulaire de la Chaire Migrations, Mobilités, Cosmopolitisme, rédacteur en chef d'Afrique(s) en Mouvement
  • Nadia Khrouz Docteure en sciences politiques, professeure assistante à l'Université Mohammed V de Rabat
  • Camille Cassarini Doctorant en géographie à Aix-Marseille Université et à l'Institut de recherche pour le développement

Il y a ceux qui veulent traverser le pays coûte que coûte pour atteindre les côtes espagnoles, ceux qui décident de rester par défaut ou par dépit et enfin ceux qui, dès le départ, avaient choisi le Maroc comme pays de destination. La présence ou le passage de migrants venus du Sud du Sahara est ancienne au Royaume. Mais si le pays a longtemps été considéré comme une étape, un point de parcours, des routes migratoires qui relient l’Afrique à l’Europe, une autre réalité se dessine peu à peu : celle de projet d’installation durable. Originaires d’Afrique mais aussi d’Europe ils sont de plus en plus nombreux à faire le choix du Maroc pour étudier, travailler, fonder une famille ou encore passer leur retraite. En 2013, les autorités mettaient en place une campagne massive régularisation des étrangers, s’affirmant alors, de façon inédite, comme un pays d’immigration. Toutefois les conditions d’accès à un titre de séjour restent compliquées et les bénéficiaires des campagnes peinent à renouveler leurs statuts. Le pays est aussi sous la pression de l’Union Européenne qui le contraint à une politique de répression de l’immigration clandestine, qui ne s’embarrasse pas toujours de connaitre les projets des arrivants. 

Comment le Maroc gère-t-il cette nouvelle donne migratoire sur son territoire ? L’immigration venant d’Afrique sub-saharienne est-elle perçue comme une opportunité ou comme une menace ? Quelles perspectives d’intégration pour les étrangers au Maroc ?  

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Deux opérations exceptionnelles de régularisation ont été menées. Une première en 2014, qui a duré un an, et une autre seconde qui a été lancé en décembre 2016 pour un an également. Les critères de régularisation sont liés à des questions d’intégration, de durée de séjour ou de lien familiaux, notamment avec les conjoints d’étrangers ou de marocains en situation de séjour régulier. Pour la première opération, 23 000 personnes ont obtenu un avis favorable, sur 270 700 demandes soit un taux de 83,5%. Nadia Khrouz

Nous sommes au Maroc coincés entre deux vastes zones de circulation. Au Sud, la CEDEAO, la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et au Nord Schengen et le Maroc n’a pas de liberté de circulation. Mehdi Alioua

Seconde partie - la focus du jour

En Tunisie, une décennie de renouveau de la question migratoire

Depuis 2011, la Tunisie fait face à un afflux de migrants Libyens qui fuient leur pays, mais surtout à d’importantes arrivées d’Africains subsahariens.
Leur présence ravive les débats sur le racisme dans le pays. Parmi ces étrangers, tous ne sont pas sur la route de l’Europe, certains souhaitant réellement s’installer. Mais les autorités, tout à leur coopération avec Bruxelles, se contentent d’une approche pénale des migrations irrégulières. Une situation dénoncée par la société civile née de la Révolution tunisienne, qui s’est activement emparée de la question.

C’est une transformation importante de l’espace migratoire ivoirien, puisque la Côte d’Ivoire est avant tout un pays d’immigration et d’émigration. Les profils de ces personnes sont assez particuliers. L’immigration ivoirienne en Tunisie est composée de personnes issues du Sud du pays, très peu du Nord et majoritairement chrétiennes. Cela remonte aux années 2000 avec l’installation de la Banque africaine de développement, qui a déménagé d’Abidjan pour aller à Tunis. Dès lors, il y a eu beaucoup de cadres ivoiriens qui sont venus s’installer en Tunisie avec leur famille, et des fois, leurs personnels de maison. Ensuite, certaines de ces personnes sont restées en Tunisie, ce qui a donné des réseaux migratoires qui se sont affermis dans le temps et ont continué à croître. Camille Cassarini

Une émission préparée par Margaux Leridon. 

Références sonores

  • Deux témoignages de migrants sub-sahariens qui affirment que le Maroc n’est qu’un passage obligé où il n’est nullement question de s’installer. (France 24, 1er avril 2014)
  • Témoignage d’Aissatou Barry, présidente de l’association « Points solidaires » qui, après avoir fui la Guinée puis la Côte d’Ivoire, s’est finalement installée au Maroc. (TV5 Monde, 15 avril 2017)
  • Témoignage d’un migrant sub-saharien expliquant qu’afin de se conformer aux engagements négociés avec l’Union européenne, le Maroc fait désormais la chasse aux migrants dans des villes comme Tanger. (France Info, 19 septembre 2018)
  • Témoignage d’un migrant camerounais vivant dans une forêt près de Tanger et expliquant également la cible de transferts forcés. (AFP, 06 septembre 2018)
  • Témoignages de retraités français qui ont choisi de s’installer au Maroc, près de Bouznika. (Medi TV, 04 mai 2016)
  • Témoignages de trois Ivoiriens en Tunisie qui décrivent le racisme qui y sévit à leur égard. (TV5 Monde, 26 décembre 2018 + Arte, 08 juin 2020)

Références musicales 

  • « Plus in Tacet » de Pantha du Prince (Label : BMG)
  • « Ha » de la chanteuse marocain Oum (Label : LOF Music)

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