Édouard Louis, le livre de sa mère

Édouard Louis en janvier 2016 ©AFP - Joel Saget
Édouard Louis en janvier 2016 ©AFP - Joel Saget
Édouard Louis en janvier 2016 ©AFP - Joel Saget
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Dans son dernier roman, "Combats et métamorphoses d'une femme" (Seuil, 2021), Édouard Louis nous livre le récit d'une libération : celle de sa mère, Monique, longtemps écrasée par une domination de classe et de genre, qui est finalement parvenue à s'émanciper.

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La carrière littéraire d’Édouard Louis a commencé avec grand bruit lors de la parution d’ En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014) le récit autobiographique d’une évasion réussie hors du milieu qui l’a vu naître et l’a persécuté pour son homosexualité. Formé à la sociologie à l' Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, Édouard Louis applique des grilles de lectures bourdieusiennes à son histoire familiale. En 2018, il poursuivait la fresque sociale de sa famille dans Qui a tué mon père (Seuil) qui racontait le corps meurtri de son père, blessé à l’usine. Dans Combats et métamorphoses d’une femme (Seuil), sorti le 1er avril, il nous raconte l’émancipation de sa mère, doublement écrasée par la violence de classe et par la domination masculine, et qui, pourtant, parvient à se révolter contre sa condition, à se construire un espace de liberté.

Quand j'ai commencé à écrire, je l'ai fait avec cette idée que, au fond, le monde social reposait en chacun de nous et que, de par une démarche autobiographie, de par l'écriture de soi, on pouvait raconter le monde. (Edouard Louis)

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A l’origine du récit se trouve une photo, une photo trouvée par hasard, une photo de sa mère, jeune. Elle y semble heureuse, pleine d’espoir, alors que lui l’a toujours vue sombre et résignée. Ce contraste est pour Édouard Louis de l’ordre du scandale : scandaleuse cette destruction de l’infinité des possibles, scandaleux l’anéantissement de ce bonheur.

J'ai décrit mon père, j'ai décrit l'enfance et maintenant j'aimerais décrire ce qu'est un destin de femme, ce qu'a été en tout cas le destin de ma mère. (Edouard Louis)

Mais, parmi ceux qui participent à cette destruction figure Édouard Louis lui-même, parfois tyrannique ou humiliant. Il analyse sa responsabilité en tant qu’homme, puis en tant que transfuge de classe, dans la trajectoire de sa mère.

Qu'est-ce qui s'est passé dans la vie de cette femme pour que ce visage plein de rêves et plein d'espoirs qu'elle avait à 20 ans disparaisse ? (...) Faire l'archéologie de cette destruction, c'est raconter comment ma mère, au fond, de par la maternité, de par l'ordre masculin, de par le comportement masculin, de par la pauvreté, a été réduite à une condition de femme, une condition imposée, une condition violente. (Edouard Louis)

Les thèmes abordées par Édouard Louis, ceux de la vie ouvrière, de l'exclusion sociale, de la misère, sont au centre du cinéma de Ken Loach. Réalisateur et auteur se retrouvent dans Dialogue sur l'art et la politique (PUF, 2021), aussi sorti le 1er avril. Les œuvres d'Édouard Louis seront aussi à retrouver sur le petit écran, dans l'adaptation en série de Qui a tué mon père et En finir avec Eddy Bellegueule par James Ivory, le célèbre réalisateur des Vestiges du jour et de Maurice.

La Grande table idées
33 min

Extraits sonores : 

  • Jean-Paul Sartre, autoportrait à 70 ans, France Culture, 01/07/1975 
  • Annie Ernaux, Apostrophes,  6 avril 1984
  • "Ken Loach, l'insurgé" (france Culture, "A voix nue : grands entretiens d'hier et d'aujourd'hui", 2019)

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