Baudelaire et l’esthétique de la boue : épisode • 3/4 du podcast La beauté

Charles Baudelaire (1821-1867),  photo par Félix Nadar (1820-1910) ©Getty - DEA / J. E. BULLOZ / DeAgostini
Charles Baudelaire (1821-1867), photo par Félix Nadar (1820-1910) ©Getty - DEA / J. E. BULLOZ / DeAgostini
Charles Baudelaire (1821-1867), photo par Félix Nadar (1820-1910) ©Getty - DEA / J. E. BULLOZ / DeAgostini
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À travers "Les Fleurs du Mal", la beauté hante l'oeuvre poétique de Baudelaire. Pourrait-elle être son unique sujet ?

Avec
  • André Guyaux Professeur de littérature française du XIXᵉ siècle à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université

En juin 1857, Charles Baudelaire (1821-1867) publie Les Fleurs du Mal.
"L'odieux y coudoie l'ignoble, le repoussant s'y allie à l'affect" peut-on lire dans la critique qu'en fait Le Figaro, qui qualifie ce livre "d'hôpital à toutes les démences de l'esprit, et à toutes les putridités du coeur".
Quelques mois plus tard, un procès en moralité est instruit contre lui, le procureur Pinard demande la condamnation du recueil de poèmes pour "offense à la morale publique, la morale religieuse et aux bonnes moeurs".
Le poète est condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes.
Baudelaire, lui, est content... enfin presque.  Il écrit à sa mère au moment de la parution de la seconde édition :

Pour la première fois de ma vie, je suis presque content. Le livre est presque bien, et il restera comme témoignage de mon dégoût et de ma haine de toute chose.

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Alors comment être poète dans un monde sans idéal ? Et comment imaginer une beauté moderne qui ne serait plus dépositaire de l'idée de l'absolu ?

L'invité du jour :

André Guyaux, professeur de littérature française du XIXᵉ siècle à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université

La Compagnie des auteurs
59 min

Baudelaire, anticlassique

Baudelaire est le porte-parole d’un courant qui commence un peu avec lui : « l’anticlassique ». La France romantique est néoclassique, elle a une coquetterie avec le baroque et une pensée très forte vers le gothique, mais elle reste fidèle à l’esprit du néoclassicisme, c’est la France de David et d’Ingres. Baudelaire aime bien cela, mais il est extrêmement sensible à d’autres formes de la beauté qu’il trouve notamment dans la peinture. Qu’il trouve dans Delacroix, qu’il trouvera ensuite chez Manet. Dans le poème « Le Phare » tous les artistes cités ont quelque chose de baroque, et c’est eux qu’il désigne parmi « Les Phares », et non Raphaël, ni David. Baudelaire est le fondateur d’une sensibilité vers un peu de laideur dans la beauté. André Guyaux 

Soigner le mal par la beauté

Il y a deux idées qui obsèdent Baudelaire : la beauté et le mal. J’ai l’impression que son idée est de les relier. C’est-à-dire de mettre le mal dans la beauté et de faire en sorte qu’on guérisse le mal par la beauté. Puisque la beauté est la réponse au mal, la seule qui vaille. Il ne voit pas d’autres réponses possibles à ce qui procède du mal : la mélancolie, la souffrance, la persécution etc. que l’art, et l’art c’est la forme de la beauté. André Guyaux

« L’hérésie de l’indissolubilité du vrai, du beau et du bien »

Baudelaire considère que les trois grands concepts que sont : le vrai, le bien et le beau, ne s’impliquent pas l’un l’autre. Ils peuvent se coordonner mais ils ne communiquent pas. Il dit : « C’est une invention de la philosophaillerie moderne » c’est-à-dire de programmer la confusion. Il appelle ça « l’hérésie de l’indissolubilité du vrai, du beau et du bien ». Il explique que le vrai a son domaine : la science,  que le bon à son domaine : la morale et que le beau a son domaine : l’art. Et que c’est une hérésie de penser que le beau veut communiquer avec le bien. André Guyaux

Textes lus par Hélène Lausseur :

  • Extrait de Fusées, de Charles Baudelaire, 1897
  • Extrait de l'ébauche d'un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, 1861
  • Une Charogne, poème issu des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, 1861, lu par Georges Claisse

Sons diffusés :

  • Archive de Eugène Ionesco, France Culture, 1967
  • Chanson de Léo Ferré, Une Charogne, texte de de Charles Baudelaire dans Les Fleurs du Mal, 1857
  • Chanson de Louis, La Beauté, texte de de Charles Baudelaire dans Les Fleurs du Mal, 1857
  • Chanson de fin : Isabelle Adjani, Beau oui comme Bowie

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