"L’héautontimorouménos", de Charles Baudelaire

"Je suis dans mon cœur le vampire - Un de ces grands abandonnés", extrait du poème "L'héautontimorouménos" de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal (1857) ©Getty - Songphol Thekasit
"Je suis dans mon cœur le vampire - Un de ces grands abandonnés", extrait du poème "L'héautontimorouménos" de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal (1857) ©Getty - Songphol Thekasit
"Je suis dans mon cœur le vampire - Un de ces grands abandonnés", extrait du poème "L'héautontimorouménos" de Charles Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal (1857) ©Getty - Songphol Thekasit
Publicité

"L’héautontimorouménos" signifie en grec "bourreau à soi-même". Dans ce poème, Charles Baudelaire s'adresse à la femme aimée, mais blessé par l'amour qu'il lui porte, il emploie une certaine violence, qu'il finit par retourner contre lui-même.

Avec

Poème : "L’héautontimorouménos", de Charles Baudelaire, dans le recueil Les Fleurs du mal.

Lecture : par Hervé Pierre, de la Comédie-Française

Publicité

Je te frapperai sans colère
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Moïse le rocher !
Et je ferai de ta paupière, 

Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance,
Mon désir gonflé d'espérance
Sur tes pleurs salés nagera

Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon cœur qu'ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !

Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?

Elle est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde. 

Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !

Je suis dans mon coeur le vampire
- Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !

Ecoutez, révisez !
28 min

Charles Baudelaire naît à Paris en 1821. Il perd son père à l’âge de six ans. En 1841, sous la pression de sa famille, il embarque pour les côtes d’Afrique et de l’Orient. Il séjourne à l’île Bourbon (La Réunion) et, en rentrant à Paris en 1842, écrit ses premiers textes. En 1844, sa famille s’indigne de sa vie de débauche. Baudelaire devient alors journaliste, critique d’art et critique littéraire.

1857 est l’année de publication des Fleurs du Mal. Baudelaire est attaqué en justice pour "immoralité" (la même année que Flaubert pour Madame Bovary) et condamné : plusieurs poèmes sont retirés du recueil et l’auteur doit payer une amende. Baudelaire est très affecté par cet échec et sombre dans la misère (et dans la maladie). Le poids des dettes s’ajoutant aux souffrances morales, Baudelaire est frappé en 1866 d’un malaise qui le rendra paralysé et aphasique. Il meurt en 1867.

Ecoutez, révisez !
28 min

L'équipe