Faute de tribune, la littérature ! : épisode • 4/5 du podcast Avoir raison avec... Olympe de Gouges

Olympe de Gouges, Panthéon ©AFP - MIGUEL MEDINA
Olympe de Gouges, Panthéon ©AFP - MIGUEL MEDINA
Olympe de Gouges, Panthéon ©AFP - MIGUEL MEDINA
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Puisque les femmes sont interdites de tribune, Olympe de Gouges entre en politique par la littérature. Mais comment faire entendre sa voix au milieu du tumulte révolutionnaire ?

Avec
  • Elise Pavy Maitresse de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne et l’Institut universitaire de France
  • Florence Lotterie Professeure de littérature du 18ème siècle à l'Université de Paris

Philosophe, écrivaine, dramaturge, pamphlétaire... Olympe de Gouges entre en littérature en 1784, une petite dizaine d’années avant sa mort. Elle rédige alors une centaine de textes : une trentaine de pièces de théâtre — dont certaines jouées à la Comédie Française, une cinquantaine d’écrits politiques, mais aussi des romans épistolaires et un conte philosophique. Femme dans un milieu d’hommes, petite bourgeoise provinciale dans un milieu parisien et intellectuel... Elle traine aussi une réputation d’écrivassière, elle écrit trop, trop vite, trop mal. Pire, elle ne saurait même pas écrire, dicterait à des secrétaires ses textes ou emploierait ses amants.

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Je suis femme et auteur ; j'en ai toute l'activité. Mon premier mouvement est semblable à une tempête ; mais dès que l'explosion est faite, je reste dans un calme profond : tel est l'effet qu'éprouvent toutes les personnes vives et sensibles.                  
La passion qui me domine pour créer de nouveaux sujets, me fait oublier ceux qui les ont précédés ; l’activité de dix secrétaires ne suffirait pas à la fécondité de mon imagination. J’ai trente pièces au moins. Je conviens qu’il y en a beaucoup plus de mauvaises que de bonnes, mais je dois convenir aussi que j’en ai dix qui ne sont pas dépourvues de sens commun. Olympe de Gouges (préface de “Le Mariage inattendu de Chérubin”)

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Elle cumule les handicaps, mais n’est pas empêchée pour autant. Au contraire, elle entend prendre la parole dans tous les domaines, et si elle peine à être entendue, elle parlera plus haut et plus fort.

Tant pis si son style n’est pas à la hauteur, si elle fait des fautes, si elle se trompe et change d’avis. Là est la marque de son authenticité, de sa vérité.

Non seulement elle veut qu’on la considère comme autrice "Je suis femme et Auteur ; j’en ai toute l’activité" dit-elle mais elle ordonne aussi qu’on la lise, qu’on l’écoute "Lisez-moi", "Lisez mes ouvrages", "Citoyens qui me lisez", "Français, arrêtez-vous, lisez". Mais si la Révolution facilite la parole avec la levée de la censure, la proclamation de la liberté d’expression, d’opinion, d’impression... Il est d’autant plus difficile de se faire entendre au milieu du bruit révolutionnaire. A mesure que les droits à l’expression se referment au cours de la révolution, le style de Gouges se radicalise, se fait plus violent. Et plus ses écrits se politisent, plus ils deviennent littéraires.

C’est en "femme de lettres" — ainsi que le renseigne son procès-verbal d’accusation, qu’elle meurt guillotinée, seule femme condamnée à mort pour la teneur de ses écrits politiques.

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Je lègue mon cœur à la patrie, ma probité aux hommes, ils en ont besoin. Mon âme aux femmes, je ne leur fais pas un don indifférent, mon génie créateur aux auteurs dramatiques, il ne leur sera pas inutile, surtout ma logique théâtrale au fameux Chénier, mon désintéressement aux ambitieux, ma philosophie aux persécutés, ma religion aux athées, ma gaieté franche aux femmes sur le retour. Et tous les débris qui me restent d’une fortune honnête à mon héritier naturel, à mon fils, s’il me survit. Olympe de Gouges(Testament politique - 1792)

Intervenantes

Florence Lotterie est professeure de littérature du 18ème siècle à l'Université de Paris anciennement Paris-Diderot. ses travaux sont orientés vers les questions de genre et de représentation des sexualités, les rapports entre roman et philosophie à l'âge classique et le "tournant des Lumières" en particulier autour des auteur.e.s du "Groupe de Coppet" et des imaginaires de la Révolution française. Autrice de “Le genre des Lumières : femme et philosophe au 18ème siècle Classiques", Garnier, 2013

Elise Pavy est maitresse de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne et l’Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur la langue et la littérature du XVIIIe. Elle a dirigé l’édition de “La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne” conçue pour le programme du baccalauréat 2022 et qui vient de paraitre chez Garnier Flammarion.

Bibliographie

Elise Pavy : “Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges”, programme du bac 2022, édition d’Elise Pavy-Guibert (Flammarion 2021)

Elise Pavy « Plus naturelle qu’éloquente, voilà mon cachet » : Gouges contre Robespierre Colloque Éloquences révolutionnaires et traditions rhétoriques XVIIIe-XIXe

Florence Lotterie : Le Genre des Lumières. Femme et philosophe au XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. « L’Europe des Lumières », 2013