(R)évolutions cubaines : l'écrivain Leonardo Padura est l'invité des Matins

L'écrivain cubain Leonardo Padura, photographié à son domicile de La Havane pendant un entretien avec l'AFP, le 6 juillet 2021. ©AFP - KATELL ABIVEN
L'écrivain cubain Leonardo Padura, photographié à son domicile de La Havane pendant un entretien avec l'AFP, le 6 juillet 2021. ©AFP - KATELL ABIVEN
L'écrivain cubain Leonardo Padura, photographié à son domicile de La Havane pendant un entretien avec l'AFP, le 6 juillet 2021. ©AFP - KATELL ABIVEN
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L’exil, l’amitié. Voilà les deux thèmes principaux qui traversent les 600 pages de Poussière dans le vent (Métailié, 2021), dernier roman de Leonardo Padura, qui, s’il quitte ici le polar, en conserve quelques ficelles : le suspens et un côté sulfureux.

Avec

Écrire sur les réalités de son pays est l’exigence que s’est donné Leonardo Padura au fil de son œuvre. Et il continue ici sa mission. Plus de deux millions de Cubains vivent en dehors de l’île. C’est à ceux-là qu’il se consacre dans Poussière dans le vent, nomades et déracinés, vivant entre New York, l’Europe et la Floride.     

Délaissant son personnage favori de détective hardboiled, le romancier et journaliste cubain raconte la destinée d’un groupe de huit amis pendant la violente crise économique des années 1990, connue sous le nom de Période spéciale. Fidélité mise à mal, amour compliqués, passions… En mariant des thématiques universelles, parfois triviales, à un contexte bien particulier, en collant à chaque personnage, soigneusement étudié, des archétypes, le cubain semble parfois s’inspirer de l’exercice de Milan Kundera dans L'Insoutenable légèreté de l'être et signe une fresque profondément humaine.

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Leonardo Padura est romancier, essayiste, journaliste et scénariste pour le cinéma. Son dernier roman Poussière dans le vent paraît chez Métailié (2021).

Cuba sans Fidel Castro

Fidel Castro est mort en 2016, après avoir pris le pouvoir en 1959. Qu'est-ce qui a changé depuis selon vous ?

Un personnage comme Castro remplissait l’espace de la société cubaine, même au sens physique du terme. Aujourd’hui, la société cubaine suit toujours cette organisation qui a été réalisée, imaginée par Castro. Le gouvernement actuel parle de cette continuité, qui tient totalement à l’héritage de Castro. Il n’est pas là, mais il est toujours là.

L'auteur et ses personnages

L’un des 8 personnages, Clara, reste à Cuba alors que tous les autres évoquent l’exil avant de mettre à exécution leurs plans. On cherche parfois, dans ce type de romans, où est l’auteur, or vous n’êtes pas parti.

Je suis présent dans chacun des personnages, j’ai vécu avec chacun d’entre eux. Ceux qui ont défendu une position, ou d’autres. Moi qui suis resté à Cuba, j’y vis, j’y écris, ce après toutes les difficultés qui ont continué à se multiplier. Elles ne font que s’accumuler, elles ne disparaissent pas.

Rester à Cuba

Pourquoi êtes-vous resté à Cuba, alors que vos livres sont si critiques avec le régime et que tant d'autres écrivains sont partis ?

La réponse la plus courte, c’est que j’ai besoin de Cuba pour écrire : ma littérature est complètement cubaine. J’ai la nationalité espagnole depuis dix ans, et je pourrais donc vivre en Espagne. Quand on me dit que j’ai une double nationalité, je dis non : j’ai deux citoyennetés, mais ma seule nationalité, c’est Cuba.

Un romancier de l'universel

Qu'est-ce qu'un bon roman, selon vous ?

Un roman doit vous raconter une histoire, et un bon roman, une bonne histoire. On raconte bien une histoire en créant des personnages et des situations qui arrivent à convaincre le lecteur, même si cela s’approche de la réalité ou d’une réalité recréée comme dans 1984. Et il faut communiquer quelque chose. Je crois beaucoup en cette communication : quand j’écris, j’ai l’impression que je dois écrire quelque chose qui atteint le lecteur, pas seulement d’un point de vue personnel.

Souvent, les écrivains regardent leur nombril et cela finit par réduire ce qu’ils écrivent, alors que la condition humaine est beaucoup plus universelle. Je crois que c’est l’essence du roman : décrire cette condition humaine universelle.

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