Gaston Bachelard et l’art de dorer les gaufres : épisode • 3/4 du podcast Allumez le feu !

Portrait de Gaston Bachelard, photographié chez lui à Paris, le 6 novembre 1961 ©AFP
Portrait de Gaston Bachelard, photographié chez lui à Paris, le 6 novembre 1961 ©AFP
Portrait de Gaston Bachelard, photographié chez lui à Paris, le 6 novembre 1961 ©AFP
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Si Gaston Bachelard, philosophe des sciences, a appréhendé le feu dans sa chimie, il l'a aussi analysé dans toute sa poésie, de la flamme d'une chandelle au feu dans la cheminée qui fait croustiller la gaufre qu'il mange comme s'il mangeait le feu, et qui rend incandescents nos imaginaires.

Avec
  • Jean-Philippe Pierron Philosophe, Professeur à l’université de Bourgogne à Dijon, ancien directeur de la Chaire « Rationalités, usages et imaginaires de l’eau » à Lyon

Un jour, enfant coléreux et pressé, je jetai à pleine louchée ma soupe aux dents de la crémaillère : « mange cramaille, mange cramaille ! » Mais les jours de ma gentillesse, on apportait le gaufrier. Il écrasait de son rectangle le feu d’épines, rouge comme le dard des glaïeuls. Et déjà la gaufre était dans mon tablier, plus chaude aux doigts qu’aux lèvres. Alors oui, je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu’à son pétillement tandis que la gaufre brûlante craquait sous mes dents.                                          
Gaston Bachelard dans "La Psychanalyse du feu"

L'invité du jour :

Jean-Philippe Pierron, philosophe, enseignant à l’Université de Bourgogne

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Un tournant poétique dans la pensée de Bachelard

La publication du livre "La psychanalyse du feu" et le geste inaugural que déploie Bachelard en le publiant, a dérouté ses lecteurs qui le connaissaient comme philosophe des sciences : qu'est-ce qui se passe pour soudain redonner une légitimité à une poétique des images alors que toute sa philosophie des sciences concernant la chimie, la propagation de la chaleur, le feu, c'est une entreprise qui vise à dévaster le rapport des partialités vécues, des investissements psychiques, des surinvestissements pulsionnels dont le feu est porteur et dont la philosophie des sciences cherche à se débarrasser ?                      
Jean-Philippe Pierron

Le feu est d'abord une expérience

Dans le texte sur la gaufre, ce que fait Bachelard c'est bien évidemment autre chose que de simplement rappeler une histoire personnelle, mais à partir de celle-ci, nous rappeler que le feu n'est jamais une idée mais d'abord des expériences, et sa poétique est une façon de rentrer dans l'analyse du feu à partir des partialités (ce qui n'est pas fondé, ce qui relève de croyances) délibérément rêvées.                
Jean-Philippe Pierron

Comment nourrir notre onirisme intérieur ?

Ce qui intéresse Bachelard c'est de montrer que les images, ici celle du feu, ont une vertu approfondissante d'une expérience du monde, voire elles sont un monde. La rêverie de chacun.e d'entre nous est activée par des matières et ce qu'il travaille ici, c'est la singularité de ces matières qui deviennent effectivement non plus des matières objet de science, mais matières suscitant la possibilité de construire un onirisme interne qui nous mobilise, qui nous augmente intérieurement et qui, de cette façon, nous déploie dans notre subjectivité.        
Jean-Philippe Pierron

Textes lus  par Hélène Lausseur :

  • Gaston Bachelard, La Psychanalyse du feu, chapitre II “Feu et rêverie : le complexe d'Empédocle", 1938 (avec une musique de Substrata, Times when I know you’ll be sad, album Biosphère)
  • Gaston Bachelard, Fragments d’une Poétique du Feu, chapitre III “Empédocle”, 1988 (posthume)

Sons diffusés :

  • Extrait du film Les visiteurs, de Jean-Marie Poiré (avec une musique de Jean-Philippe Goude, De la consumation, album Aux solitudes)
  • Archive de Gaston Bachelard, 29 novembre 1952, Université radiophonique internationale, RDF
  • Archive de Gaston Bachelard, 28 novembre 1961, interview par Roger Pillaudin 
  • Chanson de Claude Nougaro, Ma cheminée est un théâtre
  • Archive de Gaston Bachelard, 29 novembre 1952, “Arts et littérature, la poésie et les éléments, le feu”
  • Archive sur le pompier pyromane, 28 juillet 1982, Journal de 13h, France Inter
  • Chanson de fin : Akhenaton, Prométhée
Les Chemins de la philosophie
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