Privilège ; nom masculin : épisode • 3/3 du podcast Le retour des privilèges

Un système économique et domestique qui privilégie nécessairement l'homme. Les études de genre cherchent à comprendre ces mécanismes pour mieux les combattre. ©Getty - Tom Stoddart Archive
Un système économique et domestique qui privilégie nécessairement l'homme. Les études de genre cherchent à comprendre ces mécanismes pour mieux les combattre. ©Getty - Tom Stoddart Archive
Un système économique et domestique qui privilégie nécessairement l'homme. Les études de genre cherchent à comprendre ces mécanismes pour mieux les combattre. ©Getty - Tom Stoddart Archive
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Si le droit est fondamentalement égalitaire, les hommes continuent à accumuler davantage de richesses que les femmes, et ce, dans toutes les classes sociales. Quels sont les avantages économiques à être un homme ?

Avec
  • Céline Bessière Professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine, membre du laboratoire IRISSO, et membre associée de l’équipe ETT du Centre Maurice Halbwachs
  • Hélène Périvier Economiste à l’OFCE Sciences Po, directrice du programme PRESAGE Programme de Recherche et d’Enseignement des Savoirs sur le Genre

Troisième épisode de notre série sur les privilèges pour aborder la question du genre du capital. Quels sont les avantages économiques liés au fait d'être un homme ? Si le droit proclame l'égalité entre les sexes, il subsiste encore des privilèges qui favorisent l'enrichissement des hommes et leur mainmise sur le patrimoine. Des bénéfices qui représentent la persistance des inégalités économiques entre les genres.

Pour en parler, Tiphaine de Rocquigny reçoit Céline Bessière, sociologue, professeure à l’Université Paris-Dauphine (Université PSL) et membre du laboratoire IRISSO et Hélène Périvier, économiste, chercheuse à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE-Sciences Po).

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Des possibilités de mobilité sociale réduite pour les femmes ?

L'usage de la notion de privilège pour parler des inégalités de genre peut sembler problématique étant donné que les règles de droit ne donnent plus d’avantages explicites aux hommes. Cependant, les inégalités ne se nichent plus dans le droit mais résultent de processus sociaux et d'une structure sociale.

Selon Céline Bessière, *"l'*un des grands acquis des études de genre, c'est de ne pas avoir seulement orienté la réflexion et les recherches sur les femmes, soit sur le groupe socialement et historiquement dominé, mais aussi et surtout sur la position des hommes. Il s'est alors développé, depuis les années 1970, tout une sociologie des masculinités qui a mené jusqu'au concept de "masculinité hégémonique". Celle-ci sous entend que pour être un homme et pleinement bénéficier du privilège masculin, il faut répondre à certains critères spécifiques,  comme le fait d'appartenir aux classes supérieures et d'être hétérosexuel. Il faut donc bien circonscrire la notion de privilège masculin étant donné que certains hommes, qui ne répondent pas aux critères précédents, en sont exclus. Cependant, elle reste absolument pertinente pour décrire, de manière globale, les relations familiales dans les couples de sexes différents et dans la société hétéronormée car ces milieux sociaux sont marqués par l'existence formelle de véritables avantages économiques pour les hommes".

Par ailleurs, si des inégalités économiques persistent, c'est en partie du fait de l'Etat social qui s'est mis en place, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans une perspective genrée.

Selon Hélène Périvier, "au moment où l'Etat social se développe en 1945, il y a une certaine idée du progrès, de la démocratisation de l'accès à la santé et à la protection sociale. Cette idée prenait alors les contours d'une vision résolument genrée étant donné que les structures familiales étaient vues au travers d'un prisme bourgeois qui plaçait nécessairement la femme au foyer, c'est-à-dire hors du monde du travail. Pourtant, cette vision ne collait absolument pas avec la réalité, notamment avec celle des familles issues des classes populaires où la femme se devait de travailler pour subvenir aux besoins du foyer. L'Etat social va donc réussir à imposer cette vision genrée du travail au travers de ses politiques de redistribution, comme la remobilisation de l'Allocation Salaire Unique qui incite fortement à l'inactivité des femmes mariées. Celles-ci vont alors constituer des freins à l'émancipation économique des femmes et à la réalisation de leurs projets de vie. On voit donc ici une véritable volonté de façonner ou en tout cas d'accompagner, de promouvoir une certaine forme de structure familiale (...). Outre l'Etat social, le système fiscal a lui aussi été pensé au travers de cette conception. Par exemple, le quotient conjugal, qui existe encore aujourd'hui, est un des reliquats de cette époque. Ce quotient met en avant l'idée que le couple marié met en commun ses ressources et doit être imposé au regard de ses capacités contributives. On impose, par la suite, la moyenne des revenus du couple pour lui appliquer le barème progressif. L'idée derrière était de dire que lorsque la femme ne travaille pas, celle-ci doit être prise en compte dans le calcul de l'impôt afin que celui-ci soit le plus juste possible pour l'homme. Aujourd'hui, ce système constitue un véritable problème d'équité fiscale parce qu'il s'agit d'une vision pleinement conservatrice du couple".

Accumulez, accumulez ! Le patrimoine au prisme du genre

Les hommes détiennent davantage de capital que les femmes, quelle qu’en soit la forme : financière, immobilière, terrienne ou professionnelle. En 2015, cet écart moyen était estimé à 24 000 euros. Cette inégalité naît au coeur des "arrangements économiques familiaux", qui s'opèrent principalement durant les successions ou les séparations.

Selon Céline Bessière, "la séparation constitue souvent un moment de pertes financières importantes pour de nombreuses femmes étant donné que la rupture est le révélateur d'inégalités pré-existantes. Cette situation est bien documentée à partir de données fiscales qui nous permettent de dire qu'en France, aujourd'hui, après une séparation, en moyenne, le niveau de vie des femmes diminue de 25% contre 3% pour les hommes. Cependant, on ne peut comprendre les mécanismes d'appauvrissement d'une femme au cours d'une séparation sans prendre en compte la situation financière et patrimoniale antérieure du couple. Généralement, l'homme a plutôt a sa charge les dépenses d'investissements tandis que la femme se concentre surtout sur les dépenses de fonctionnement; dépenses d'investissements qui sont alors révélatrices du pouvoir économique détenu par les hommes".

Références sonores

Références musicales

Garçon - Koxie (2009)

Da funk - Daft Punk (2015)

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