Erri De Luca, moissonneur d’histoires

Erri De Luca au Giffoni Film Festival le 27.07.2021 à Giffoni Valle Piana, Italie. ©Getty - Ivan Romano
Erri De Luca au Giffoni Film Festival le 27.07.2021 à Giffoni Valle Piana, Italie. ©Getty - Ivan Romano
Erri De Luca au Giffoni Film Festival le 27.07.2021 à Giffoni Valle Piana, Italie. ©Getty - Ivan Romano
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La parution du livre "Diables Gardiens" (2022), où les images d'Alessandro Mendini côtoient des fragments de pensées signées Erri De Luca, est l'occasion de recevoir ce grand moissonneur d'histoires dont les réflexions reflètent les thèmes d'une œuvre aussi vaste que poétique.

Avec
  • Erri De Luca Romancier, poète, dramaturge et traducteur italien.

Napolitain de naissance, alpiniste depuis l'enfance et militant communiste dans sa jeunesse, Erri De Luca a été ouvrier avant de commencer à publier ses romans. Depuis la parution de son premier roman, Non ora, non, en 1989, l'œuvre d'Erri De Luca s'est étendue pour atteindre une soixantaine de romans, essais et poèmes. Sa dernière parution est une collaboration artistique avec le défunt designer Alessandro Mendini. Pour Erri De Luca, « C'était un grand monsieur de Milan, j’étais simplement un ancien ouvrier napolitain. Un soir, on s’est trouvés à dîner ensemble. Par courtoisie, j'ai demandé : 'que faites-vous maintenant ?'Il m'a dit : 'Maintenant, je dessine mes monstres'. Je lui ait dit, ‘ça m’intéresse, alors je vais écrire les miens'. »  Dans Diables Gardiens (Gallimard, 2022), les dessins de monstres d'un enfant dyslexique inspirent ceux d'Alessandro Mendini, qui inspirent à leur tour l'écriture d'Erri De Luca. Pour lui, notre plus gros démon est l'indifférence, qu'il définit comme « l’impossibilité de faire la différence entre la réalité et la fiction, le spectacle. On est habitué à voir à travers un écran qui cadre la réalité. Ce format nous transforme en spectateurs plutôt qu'en témoins de la réalité qui devient un spectacle – même les catastrophes. On reste assis, on renonce à intervenir pour soutenir, sauver, donner un coup de main. »

Dans ses fragments poétiques, Erri De Luca revient sur les grands thèmes de son œuvre. Ses réflexions sur la montagne côtoient des réflexions sur les Ecritures Saintes, sur la manière d'être au monde et sur ses souvenirs : « l’enfance, c’est l’immensité centrale de chaque personne. Toutes les possibilités sont concentrées dans le temps, dans une même personne. Avec l’âge, cette immensité commence à se réduire, et les possibilités aussi. C’est comme monter une paroi. En bas, on peut passer n’importe où. Au fur à mesure que tu montes, la montagne devient plus étroite, les possibilités s’amenuisent. L’enfance, c’est être en bas de la montagne. L’âge adulte, c’est une réduction. Au sommet, je vois tous les êtres que j'aurais pu être et que j’ai dû écarter en chemin ».   Ses réflexions sur son rapport à l'écriture et à la lecture sont suivies de souvenirs de son engagement politique dans les luttes ouvrières des années 80. Elles sont également précédées de souvenirs sur sa ville natale, Naples, dont la géographie et le mur de tuf ont forgé l'imaginaire de l'écrivain : « Je ne suis pas le propriétaire de ma mémoire. Je ne peux pas la consulter comme des archives. Elle est gelée sous un glacier, qui parfois se retire. Alors je suis heureux, je la garde, je la caresse. La seule possibilité pour moi, c’est de l’écrire. Alors, je peux passer tout le temps que je veux avec ce souvenir. »

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La Grande Table idées
32 min

Extraits sonores :

  • Lydie Salvayre, La Grande Table, France Culture, 30.08.2021
  • Alessandro Mendini, Video Moma, 2014

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