Six mois après le retour des talibans, la vie cloîtrée des femmes afghanes

École clandestine pour filles à l'ouest de Kaboul. Passé la 6e, l'éducation leur est interdite. ©Radio France - Éric Audra
École clandestine pour filles à l'ouest de Kaboul. Passé la 6e, l'éducation leur est interdite. ©Radio France - Éric Audra
École clandestine pour filles à l'ouest de Kaboul. Passé la 6e, l'éducation leur est interdite. ©Radio France - Éric Audra
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Depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, le 15 août 2021, les femmes sont exclues des emplois publics, où elles étaient largement représentées. Mais aussi des autres secteurs économiques et politiques où elles s’étaient faites une place de choix.

Autrefois très actives, les femmes afghanes sont désormais contraintes de rester chez elle. Depuis la prise de Kaboul par les talibans, seuls les secteur hospitalier et l’éducation leur sont encore ouverts. Une situation qu’elles vivent très mal.

L’histoire de Mariam est celle d’une success story afghane qui a commencé en 2018, quand elle reprend seule une petite ferme dans les faubourgs de Kaboul. Elle y plante plusieurs variétés de fleurs pour faire des savons artisanaux. "Nous avons neuf sortes de savons : concombre, cumin, rose, lavande, safran, aloe vera…. Nous avions planté des fleurs pour les utiliser dans les savons".

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Mariam embauche du personnel, uniquement des femmes, vingt au total, pour fabriquer à la main des savons bio. Sa petite entreprise grossit rapidement, car il n’y a pas d’équivalent en Afghanistan. Des ambassades lui passent commande, et même le Palais présidentiel sous Ashraf Ghani. Son entreprise est citée en exemple. Elle va même créer une autre marque en 2020.

À Kaboul, les visages féminins sont désormais masqués.
À Kaboul, les visages féminins sont désormais masqués.
© /Radio France - Eric Audra

Puis arrive août 2021. Sa vie bascule.

"Pendant ces six derniers mois j’ai été très déprimée. Parfois, je pleure. Je n’aime pas parler à d’autres personnes parce que je souffre de dépression."

Je dirigeais une affaire, j’ai créé des emplois pour les femmes. J’ai même reçu un prix pour cela. Et maintenant, je suis une femme au foyer. Qu’est-ce-que je devrais faire ? Mourir ? Rester chez moi à ne rien faire ?

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Chaperon obligatoire

Mariam a entreposé quelques cartons de savons dans sa maison. Cette mère célibataire essaie d’obtenir l’autorisation de continuer son activité pour pouvoir exporter ses produits mais se heurte aux nouvelles règles éditées par les talibans

Ils m’ont demandée de venir avec un "mahram", un homme qui doit nous accompagner quand on se déplace. Mais comme je suis divorcée, mon mahram est mon fils.

"Il n’a pas d’expérience dans les démarches à faire aux bureaux du gouvernement. Tout ce que je sais à propos de mon affaire, mon mahram ne le connaît pas. Personne ne veut me parler. Ils ont même honte de parler à une femme."

Un salon de beauté aux façades occultées dans la capitale afghane.
Un salon de beauté aux façades occultées dans la capitale afghane.
© /Radio France - Eric Audra

Leila, 23 ans, était journaliste pour une chaîne de télévision créée sous l’ancien Parlement afghan. Elle a même présenté une émission à l’occasion du National Day Flag, une journée de commémoration du drapeau de la République islamique d’Afghanistan. Aujourd’hui, Leila ne travaille plus :

"Quand les talibans sont arrivés, comme notre télé était gouvernementale, ils ne nous ont pas autorisés à revenir."

Ma vie avant les talibans était vraiment belle. J’allais faire du sport dans un club, je prenais des cours de danse. Maintenant, ils sont fermés. Je suis à la maison, je ne peux pas travailler.

"Je veux partir d’ici car je n’ai plus de futur ici. L’un de mes collègues s’est même suicidé. Ça m’a vraiment déprimée… Il s’est pendu parce qu’il avait tout perdu."

Leila a elle aussi perdu ses rêves, comme la plupart des jeunes afghans. Son moral est au plus bas. Elle n’écoute plus ces chansons gaies et entraînantes sur lesquelles elle aimait danser et chanter.

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