L'argent de la diaspora : épisode • 3/3 du podcast Aux (res)sources de l’économie ukrainienne

Le lendemain de l'agression russe, l'Ukraine reçoit du soutien de nombreux pays, comme le Canada où la diaspora a plus d'un siècle. ©Getty
Le lendemain de l'agression russe, l'Ukraine reçoit du soutien de nombreux pays, comme le Canada où la diaspora a plus d'un siècle. ©Getty
Le lendemain de l'agression russe, l'Ukraine reçoit du soutien de nombreux pays, comme le Canada où la diaspora a plus d'un siècle. ©Getty
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Issue de différentes vagues d'immigration d'origine économique et politique, la diaspora ukrainienne représente une ressource économique de premier ordre pour le pays d'origine et une aide humanitaire indispensable pour les réfugiés.

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Troisième jour de notre série sur l'Ukraine et son économie ! Cette semaine, nous avons sillonné cette ancienne république soviétique, fierté agricole et industrielle de l'U.R.S.S., nous avons assisté au choc économique qui a suivi l'indépendance, et aux tentatives de Kiev de s'affranchir de l'influence russe. A présent, c'est sur la diaspora ukrainienne que nous allons nous pencher. Du Canada à la Pologne, comment les Ukrainiens de l'étranger soutiennent-t-ils depuis plus d'un siècle leur pays d'origine? 

Pour en parler, Tiphaine de Rocquigny reçoit Hervé Amiot, chercheur géographe à l'Université Bordeaux Montaigne dont la thèse porte sur les mouvements politiques et humanitaires de la diaspora ukrainienne, et Alain Guillemoles, journaliste à La Croix, en charge de l'économie internationale.

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Les vagues d'immigration aux origines de la diaspora 

La diaspora ukrainienne, plutôt discrète en France (on compte entre 18 000 et 40 000 Ukrainiens sur le territoire, essentiellement en Ile-de-France), est issue de vagues d'immigration anciennes, d'origine économique et politique. Garante de remises migratoires, entretenant des réseaux économiques, politiques et matrimoniaux, quel est son poids économique ?

C'est d'abord vers le continent américain que les Ukrainiens fuient leur Galicie natale entre 1880 et 1914, province rurale extrêmement pauvre dominée par l'Empire Austo-hongrois. Dans les années 1920 se poursuit une émigration politique qui compte des figures du nationalisme ukrainien Simon Petliura. Dans l'entre-deux-guerres, une immigration du travail s'intensifie en Europe, notamment en France dans le cadre de contrats de travail avec la Pologne - la Galicie étant devenue polonaise.  Selon Hervé Amiot, "les Ukrainiens et Ukrainiennes de cette immigration polonaise, à cette époque, ont beaucoup travaillé dans les fermes, contrairement aux Polonais qui étaient souvent regroupés dans l'industrie. Et ça a pu contribuer aussi à les invisibiliser encore plus par rapport aux Polonais, étant donné que, dispersés sur les terres agricoles du Nord de la France, de Champagne ou du centre de la France, ils avaient moins de moyens de former des communautés autour d'associations." C'est après la seconde guerre mondiale que se consolide et se renouvelle la diaspora ukrainienne qui accueille les exilés de la seconde guerre mondiale selon le principe de chaîne migratoire. Pour Alain Guillemoles, "il y a à la fois une action politique, mais aussi une action sociale pour essayer de conserver les Ukrainiens dans le giron de la communauté. Les Ukrainiens ont conscience qu'ils sont en exil pour longtemps. Ils veulent conserver en exil cette identité ukrainienne, avec l'espoir qu'un jour l'Ukraine pourra redevenir indépendante et qu'ils pourront reconquérir, reconquérir leur leur identité, leur pays. Et que donc ces enfants ukrainiens élevés dans l'apprentissage de la langue de la culture pourront revenir et bâtir l'État ukrainien dont ils portent l'espoir".

La diaspora, une aide économique de premier ordre pour les Ukrainiens 

Avec la chute du rideau de fer en 1991, nombre d'Ukrainiens quittent le pays pour des raisons essentiellement économiques, surtout pour la Pologne qui favorise l'arrivée des travailleurs. L'objectif est d'améliorer leur niveau de vie, mais aussi celui des proches restés au pays. En ce sens, la diaspora ukrainienne réalise des transferts d'argent essentiels. Pour Alain Guillemoles, "ces remises migratoires représentent 13% du PIB ukrainien. C'est  important, bien sûr, c'est très significatif. Alors effectivement, ce  sont souvent des transferts d'argent qui servent à se construire ou à  acheter une maison. Des transferts qui soutiennent la famille qui est  restée dans le village d'origine en attendant que les personnes venues  travailler en France ou en Italie et au Portugal, reviennent pour leur  retraite. (...) Mais aussi, dans une certaine mesure, de relancer  l'économie du pays :  il s'est ouvert quantité d'opportunités de créer  des PME et des entreprises qui maintenant travaillent pour le marché  européen". Et la diaspora, en temps de guerre, mobilise ses ressources financières, son capital social, et notamment un système de transport propre à l'immigration ukrainienne (les minibus ou machroutki), via ses associations. Selon Hervé Amiot, "le caractère assez informel des groupes, des associations et de leurs moyens de transport fait justement qu'ils peuvent répondre de façon très rapide et de façon très adaptée à la situation. S'il y a un évènement qui se passe et provoque un afflux de réfugiés dans tel lieu, les biens seront acheminés assez rapidement. Toute cette réponse complète parfaitement les actions plus structurées des grandes ONG humanitaires comme la Croix Rouge. Cette action humanitaire de la diaspora est très importante."

Références sonores

Références musicales

Malandrino, Gogol Bordello, 2013

La Fama, Rosalia (ft. The Weeknd), 2021

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