Insécurité alimentaire : crises en stocks : épisode • 3/4 du podcast Sahel : la nouvelle donne

Des villageois bénéficiant de l'aide alimentaire d'Oxfam en 2009 ©AFP - DESMOND KWANDE
Des villageois bénéficiant de l'aide alimentaire d'Oxfam en 2009 ©AFP - DESMOND KWANDE
Des villageois bénéficiant de l'aide alimentaire d'Oxfam en 2009 ©AFP - DESMOND KWANDE
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Au Sahel, chaque année à partir du mois de mai, des millions de personnes sont exposées à la faim et à la malnutrition. Une situation que les gouvernements peinent à anticiper. Face à l'insécurité alimentaire, quelles solutions ?

Comme chaque année à partir du mois de mai au Sahel des millions de personnes se retrouvent dans une situation critique sur le plan de l’alimentation. Alors que les réserves de l’an passé sont épuisées ou presque et que la nouvelle récolte n’est pas encore disponible, de nombreuses familles se retrouvent sans ressources. C’est ce qu’on appelle la période de “soudure” qui s’ouvre bientôt pour culminer au mois d’aout/septembre.  Un phénomène bien connu des populations locales comme des gouvernements qui peinent pourtant à anticiper les crises. En 2022 pour la troisième année consécutive le niveau d’alerte est particulièrement élevé. Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso... Sur l’ensemble de la région ce sont 38,3 millions de personnes qui sont exposées à la faim et la malnutrition Une situation aggravée par de nombreux facteurs : hausse mondiale des prix des céréales, guerre en Ukraine, effets de la pandémie, et bien sur le fléau des conflits armés. Pourtant, et malgré leurs faibles marges de manœuvre, les Etats affichent leur volonté de sortir de l’aide d’urgence et de la dépendance à la solidarité internationale.

Comment sortir du cycle des crises à répétitions ? Comment améliorer durablement la souveraineté alimentaire des pays de la région ? Comment repenser les politiques de stockages et augmenter les capacités productives des paysans ?

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Florian Delorme reçoit Sibiri Jean Zoundi, Chef d’Unité ‘Gouvernance régionale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle’, Secrétariat Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE).

"Les stocks de sécurité alimentaire sont des instruments de gestion : ils ont vocation à soulager une crise alimentaire, et non à l'éviter. Mais pour prévenir ces crises, il faut des programmes structurants de long terme pour s’attaquer à leurs causes sous-jacentes" explique Sibiri Jean Zoundi.

Les focus du jour

L’initiative “Les Nigériens nourrissent les Nigériens”, bilan d’une ambition

Un touareg travaille sur un canal d'irrigation dans le désert du Niger
Un touareg travaille sur un canal d'irrigation dans le désert du Niger
© AFP - BOUREIMA HAMA

Au Niger, plusieurs organisations internationales ont récemment tiré la sonnette d’alarme. Alors que la production agricole a chuté de 40% par rapport à 2021, l’ONU estime que 2,5 millions de personnes serait en insécurité alimentaire. Le Comité International de la Croix-Rouge parle de 4,4 millions de personnes confrontées à la faim. Le droit à l’alimentation est pourtant un principe garanti par la Constitution nigérienne. En 2011 le Président Mahamadou Issoufou initiait la mise en place d’une nouvelle politique intitulée “les nigériens nourrissent les nigériens”. L’initiative visait à renforcer les moyens de production locaux afin de sortir le pays de la dépendance à l’aide internationale. Dix ans ans plus tard, le bilan est mitigé.

Avec Moussa Tchangari, journaliste, militant altermondialiste, défenseur des droits humains, secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens et membre de l’Observatoire pour le droit à l’alimentation au Niger.

"L'initiative « Les nigériens nourrissent les nigériens » met l’accent sur la nécessité d’accroitre la production alimentaire de façon à couvrir les besoins du pays, et donc à briser les cycles de crise alimentaire. Mais les investissements dans le secteur agricole n’ont pas été suffisants pour permettre de produire des résultats satisfaisants" note Moussa Tchangari. 

Au Burkina Faso, le Warrantage, un outil de stockage des récoltes pour prévenir l’insécurité alimentaire

Marché de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso
Marché de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso
© AFP - ISSOUF SANOGO

Si les politiques de stockage des récoltes sont de plus en plus utilisées par les gouvernements pour gérer les situations de crise à l’échelle nationale, des pratiques de stockage existent également à l’échelle locale. Depuis une quinzaine d’années au Burkina Faso paysans, organisations de producteurs et organismes de microfinance ont mis sur place un système de blocage d’une partie des récoltes afin de préserver des ressources pour les périodes dites de “soudure” où les familles sont potentiellement en risque d’insécurité alimentaire. Ce système, qui a de plus en plus de succès, s’appelle le warrantage. 

Avec Elodie Maitre d’Hotel, économiste et chercheuse au Cirad.

"Des études montrent que l’accès au Warrantage joue positivement sur la sécurité alimentaire, en augmentant à la fois la quantité de céréales que les producteurs ont en stock au moment de la soudure, et en augmentant la diversité alimentaire des ménages qui en bénéficient" observe Elodie Maitre d'Hotel

Références sonores 

  • Sur le marché de Bamako, l’approvisionnement en viande devenait difficile suite à l’embargo imposé par la Cédéao le 09 janvier dernier (France 24, 09 janvier 2022)
  • Au Burkina Faso, Larba Mathieu Yougbare a été forcé de fuir sa maison et est maintenant déplacé à l'intérieur du pays avec sa famille. (CICR, 10 mai 2022)
  • Le commissaire de la Cédéao en charge de l’agriculture, de l’environnement et des ressources en eau Sékou Sangare évoque le fonctionnement de la réserve mise en place pour pallier aux situations alimentaires difficiles (Agence régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation, 17 août 2018)
  • Le projet Capitalisation et la COPSA-C présentent « Du bradage au warrantage », une pièce de théâtre en français sur les avantages de la pratique du warrantage (FAO, 24 juillet 2013)

Références musicales

  • « Neo » de Christian Löffler (Label : Ki records)
  • « Ellilagh Ikallanin (À travers mon terroir) » du groupe nigerien Aroudaini (Autoproduit)

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