Orhan Pamuk, fou d'histoire : épisode • 29 du podcast Fou d'histoire

L'écrivain Orhan Pamuk en 2015 ©Getty - David Levenson
L'écrivain Orhan Pamuk en 2015 ©Getty - David Levenson
L'écrivain Orhan Pamuk en 2015 ©Getty - David Levenson
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Prix Nobel de littérature en 2006, l’écrivain turc Orhan Pamuk n’a de cesse de mettre l’histoire en roman et de nourrir son imaginaire grâce à l’histoire. De la fin de l’Empire ottoman à l’histoire d’Istanbul, le romancier ausculte le passé pour mieux approfondir sa propre identité.

Avec

Fou d’histoire, pour donner la parole à ceux et à celles qui ne sont pas historiens, pas historiennes, mais qui transmettent l’histoire, qui se construisent par l’histoire, qui portent un regard sur le passé. Le Château blanc, Le Livre noir (Prix France Culture), Mon nom est Rouge, La Femme aux cheveux roux, et D’autres couleurs, aussi… C’est une histoire haute en couleurs que nous offre Orhan Pamuk, il est fou d’histoire.

L'histoire, un réservoir d'images pour le romancier

Né à Istanbul en 1952, Orhan Pamuk grandit dans le quartier cossu de Nisantasi. Lui, qui enfant se rêvait peintre puis étudie l’architecture et le journalisme, choisit finalement la voie de romancier à vingt-trois ans.

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"Dans les années 1950-1960, les élites de l'Empire ottoman vivaient dans de belles maisons. J'ai vécu dans un des appartements construits à proximité. Il y avait le palais d'untel pacha, devenu le bâtiment des archives, mon école était la demeure d'un ancien pacha. Ces immeubles ont été incendiés à cause du manque de moyens. Tous ces éléments m'ont donné la mélancolie du déclin de l'Empire ottoman. Mes aïeux ont été les bureaucrates de l'Empire, donc je connais très bien leur mélancolie", raconte Orhan Pamuk.

Féru d’écrivains romantiques du XIXe siècle, Orhan Pamuk a le goût des fresques historiques et transforme l’histoire en matériau de l’imaginaire.

"Mon roman Les Nuits de la peste contient des éléments très précis sur la vie quotidienne des gens à l’époque. Par exemple, les événements ont lieu en 1901, j’ai pu obtenir le catalogue du magasin Harrods à Londres de 1897. Mes personnages n'utilisent que des objets qui faisaient partie de ce catalogue. Il n’y avait pas de photos, c’étaient des images dessinées à la main. C’est l’aura romantique de ces images-là qui m’ont inspiré, confie Orhan PamukPour moi, l’histoire diplomatique importe peu, ce qui compte c’est l’histoire des choses de la vie quotidienne. Là, il faut être très juste, respecter les objets, alors que je peux utiliser mon imaginaire pour l’histoire diplomatique ou raconter une guerre".

La mélancolie face aux traces du passé

Le goût des archives et des documents anciens transparaît dans l’écriture d’Orhan Pamuk, où affleure la mélancolie suscitée par les traces d’un temps passé.

"Mon livre intitulé Le Musée de l'innocence porte sur l'aura des objets. Je suis quelqu'un qui s'attache à l'aura des objets. Je ne suis pas un collectionneur, loin de là, mais les objets créent en moi des souvenirs. Je suis un Proustien post-moderne. L'objet met ma mémoire au travail et me rappelle des choses, alors que chez Proust, il y a une madeleine et le passé surgit. Je suis un collectionneur de madeleines avec une conscience de soi", déclare Orhan Pamuk.

Face à l'histoire, comment se distinguent une démarche historienne et l'approche du romancier ? Comment arbitrer entre les éléments réels et fictifs dans l’écriture d’un roman historique ? Qu’est-ce qui, dans l’évocation et l’observation du passé, émeut le romancier ?

La Grande Table culture
27 min

Notre invité

Orhan Pamuk est écrivain, prix Nobel de littérature en 2006. Son œuvre est traduite du turc dans une soixantaine de langues et est disponible aux éditions Gallimard. Il publie le roman Les Nuits de la peste, traduit par Julien Lapeyre de Cabanes, aux éditions Gallimard, collection "Du monde entier".

Merci à Lale Danai pour la traduction simultanée.

Bibliographie sélective

Archives

  • Günseli Başar, élue Miss Europe, dans Les Actualités françaises le 28 août 1952
  • Description d'Istanbul et d'une statue d'Atatürk dans Les Actualités françaises le 24 février 1960
  • Le président Charles de Gaulle reçoit le général Cevdet Sunay, président de la République turque, reportage France Inter du 27 juin 1967
  • Umberto Eco s'exprime au sujet de l'histoire comme un labyrinthe dans l'émission Un livre des voix de France Culture le 3 septembre 1982
  • L'historien Edhem Eldem lors de son cours au Collège de France le 7 janvier 2022
  • La Turquie lyrique et son poète Yachar Kemal évoqués dans l'émission Les Mille et une nuits de la RTF le 24 août 1960
  • Extrait de la fable Les Animaux malades de la peste de Jean de la Fontaine, lue par Jean Topart

Générique de l'émission : Origami de Rone

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