La valeur du paysage : épisode • 1/3 du podcast Admirez la vue !

Le jardin de Claude Monet à Giverny. Peintre expressionniste, célèbre pour ses tableaux de paysages ©Getty - marc_land
Le jardin de Claude Monet à Giverny. Peintre expressionniste, célèbre pour ses tableaux de paysages ©Getty - marc_land
Le jardin de Claude Monet à Giverny. Peintre expressionniste, célèbre pour ses tableaux de paysages ©Getty - marc_land
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Depuis les années 1980, les différents champs de l'économie se sont penchés sur la notion de paysage, jusqu'à créer un courant qui lui est dédié. Mais pourquoi la science économique s'y intéresse-t-elle et est-il possible de déterminer la valeur d’un paysage ?

Avec
  • Catherine Larrère Philosophe, professeure émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste des questions éthiques et politiques liées à la crise environnementale et aux nouvelles technologies
  • Walid Oueslati Professeur d’économie de l’environnement et spécialiste de l’économie du paysage, en détachement à l’OCDE

Alors que notre rapport à la nature est de plus en plus questionné à l’aune du changement climatique et de ses répercussions, aussi bien sur la faune que sur la flore, les paysages sont menacés et font désormais l’objet de politiques de protection. Mais pour protéger un paysage, ou bien encore répondre à une demande croissante de paysage (collective ou individuelle) de la part des usagers, encore faut-il en déterminer la valeur. C’est là que l’économie s’empare du sujet et entre dans l’arène des sciences qui s’intéressent à cette notion.

Le paysage un bien économique ?

Comme l'indique Catherine Larrère, "dans paysage, il y a pays. On peut dire que le paysage, c'est un regard humain sur le pays et le monde. Le mot est proche de l'anglais landscape ou de l'allemand landschaft, et donc désigne ce rapport entre les hommes et le paysage, auquel on a apporté une attention esthétique, en particulier en Occident à partir du Quattrocento du XVᵉ siècle, puis beaucoup plus tard au XIXᵉ siècle, avec l'introduction du paysage dans la peinture. D'où l'insistance sur la mise en scène par un regard humain. Donc, dans un pays, il y a le paysage et il y a le regard qui unifie le paysage. C'est aussi une notion de géographe". Pour Walid Oueslati, "par delà la valeur esthétique qu'on peut accorder au paysage et qui caractérise originellement sa définition, le paysage reste une construction sociale qui évolue avec le temps. Les sociétés ont toujours transformé le paysage, elles le font évoluer positivement ou négativement".

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L’économie s’intéresse au paysage dès lors qu’il induit des comportements et des choix d’ordre économique. "Le paysage est l'objet d'un arbitrage quand il s'agit d'aménager un territoire ou un jardin, il correspond donc à un besoin. Il y a une demande qui s'exprime différemment à travers différents groupes sociaux d'usagers. De plus, il y a une question de rareté liée au paysage qui fait que c'est un objet intéressant pour l'économie", précise Walid Oueslati. Comment calcule-t-on alors sa valeur ? "Quand on dit la valeur, ça ne veut pas dire un prix. Pour trouver cette valeur il y existe deux moyens. On peut aller directement interroger les usagers à travers différents mécanismes d'enquête, pour révéler la valeur qu'ils accorderaient à un paysage. Ou on peut procéder de manière indirecte. Par exemple, on sait très bien aujourd'hui que le marché immobilier capitalise sur les services paysagers. Il ne vous a pas échappé que si vous achetez un appartement qui donne sur un parc il aura une valeur différente de celui qui donne sur une déchetterie". On déduit ainsi la valeur du paysage par le biais d'un autre secteur économique, c'est la méthode du prix hédonique.

Des goûts et une valeur du paysage en constante évolution

Le paysage est aussi un produit social dans sa perception. Selon Catherine Larrère, notre regard sur le paysage dépend en grande partie de notre position dans la hiérarchie sociale. "C'est certain, il y a des goûts et des critères esthétiques qui sont à la fois culturels et sociaux. Il y avait cette idée que les paysages étaient perçus par l'élite des villes et non par ceux qui s'inscrivaient dedans, à savoir les paysans. Pour bien rendre compte du paysage, il faut se dire qu'il n'y a pas que la vue qui est mobilisée. Il y a les autres sens, il y a le toucher, il y a l'odeur et à ce moment là, on a une vision beaucoup plus matérielle du paysage". Pour Walid Oueslati, "il faut informer le public sur ce qu'est un paysage, se demander : qu'est-ce qu'il m'apporte ? Quel est le paysage post ère énergie fossile ? Quel est le paysage sans voiture par exemple ?"

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