Ukraine : le blé de toutes les convoitises : épisode • 1/4 du podcast Puissances agricoles : les greniers du monde

Un champs de blé dans la région de Chernigiv en Ukraine ©AFP - ANATOLII STEPANOV
Un champs de blé dans la région de Chernigiv en Ukraine ©AFP - ANATOLII STEPANOV
Un champs de blé dans la région de Chernigiv en Ukraine ©AFP - ANATOLII STEPANOV
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Dans les années 90, l'émergence de structures agricoles a permis à l'Ukraine de devenir le "grenier à blé" de l'Europe. Mais depuis le début de l'invasion russe, Kiev a perdu plus de 15% de ses terres agricoles. Une menace pour l'approvisionnement en blé d'une partie de la planète.

Avec
  • Caroline Dufy Maitre de conférences en économie et en sociologie à Sciences po Bordeaux, spécialiste de l'économie russe
  • Philippe Chalmin Professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine.

Depuis le début de l’invasion russe, l’Ukraine a perdu plus de 15% de ses terres agricoles. Une catastrophe de plus pour ce pays, son économie reposant pour un quart sur ce secteur. Les terres noires et fertiles de l’Ukraine, le tchernoziom, ont fait de cette région le “grenier à blé” de l’Europe, et les structures agricoles qui ont émergé dans les années 90 ont rapidement permis au pays de développer un secteur bouleversé par la chute de l’URSS, où la privatisation a remplacé la collectivisation des terres. A cela s’ajoute une organisation logistique, construite autour des ports de la Mer Noire, qui a propulsé les céréales ukrainiennes sur les marchés extérieurs. En dix ans, le volume d’exportations de céréales a triplé, représentant en 2021 50% du marché mondial du tournesol et 12% du marché du blé. A tel point qu’une dépendance alimentaire semblait s’installer, et que le conflit menace l’approvisionnement en blé d’une partie de la planète, Moyen-Orient en tête. Si l’on ne peut pour l’instant pas parler de pénurie, les récoltes de l’année 2021 sont inaccessibles, bloquées dans les silos et les ports.

Alors, des kolkhozes aux holdings, comment s’est bâti cet empire céréalier ? Quelles sont les conséquences de ces pertes et des blocages sur les marchés mondiaux ? Comment la Russie utilise-t-elle l’arme du blé dans ce conflit ?

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Mélanie Chalandon reçoit Jean-Jacques Hervé, conseiller du commerce extérieur de la France et Philippe Chalmin, professeur d'économie à l'Université Paris-Dauphine.

"L’Ukraine a développé un modèle agricole fondé sur la mise en fermage de grandes exploitations, l’intégration de techniques extrêmement modernes et l‘appui de sociétés de négoce internationales, car ce qu’il manquait justement à Kiev était les capacités de transport permettant d'acheminer le blé vers les ports" observe Philippe Chalmin.

"Les entrepreneurs ukrainiens ont compris qu’il fallait commercialiser à une échelle mondiale à travers une intégration de la production : cela a permis de transformer les emplois, et de valoriser le potentiel agricole du pays, au point que les ressources de devises ukrainiennes sont aujourd'hui presque exclusivement liées aux productions agricoles" explique Jean-Jacques Hervé.

Le focus du jour

Le blé en Russie : sécurité alimentaire et patriotisme

Un champ de blé moissonné dans la région de Krasnoda en Russie
Un champ de blé moissonné dans la région de Krasnoda en Russie
© AFP - Vitaly Timkiv

Alors que l’Ukraine développait le secteur agricole, la Russie elle aussi s'efforce, depuis la fin de l’URSS, de construire un empire céréalier. Après une période très difficile sur le plan alimentaire pendant les années 90, le pays développe son agriculture, faisant de la « sécurité alimentaire » un enjeu majeur des politiques publiques russes, qui lui permettront de devenir, en quelques années, un producteur géant de céréales, notamment de blé. Quel a été le rôle de l’Etat dans cette ascension ?

Avec Caroline Dufy, maitre de conférences en économie et en sociologie à Sciences po Bordeaux, spécialiste de l'économie russe.

"Cinq ans après la chute de l’Union Soviétique, la Russie était importatrice nette de céréales. Mais après la crise économique qui frappe violemment le pays à la fin des années 90, la Russie opère un changement radical et l’agriculture fait l’objet d’investissements majeurs de l’Etat et des acteurs privés. Cette politique va permettre la restauration de sa puissance agroalimentaire, et tout particulièrement de ses capacités de production céréalière" note Caroline Dufy.

Références sonores

  • Témoignages d’agriculteurs ukrainiens qui évoquent les problèmes liés à l’invasion russe et les conséquences sur leurs terres (France 24, 12 avril 2022)
  • Volodymyr Zelensky lance un nouvel appel à une pression internationale pour obtenir que la que la Russie mette fin au blocus des ports ukrainiens de la Mer Noire (Le HuffPost, 11 juin 2022)

Références musicales

  • « Pale Skin » de Christian Löffler (Label : Ki records)
  • « Vynnaya ya » du groupe ukrainien Dakha Brakha (Label : autorproduit)

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